Projet de loi 57 : visa le noir, tua le blanc
Le sujet du Projet de loi (PL) 57 visant à protéger les élus et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions concerne l’exercice de la démocratie partout au Québec.
À ce titre, la ministre responsable Andrée Laforest et son gouvernement ont un devoir d’exemplarité dans la consultation reliée, et devraient s’assurer de la plus large participation, compte tenu de l’importance de ses possibles impacts sociaux au Québec, entre autres au niveau municipal.
À l’heure où les défis liés aux crises climatiques, environnementales et de la biodiversité s’additionnent et imposent que de difficiles, mais nécessaires décisions soient prises, faciliter l’exercice de la démocratie devrait être un des objectifs sociaux les plus importants, afin de ne pas laisser personne derrière.
Or, en ne réservant que trois jours de consultation sur le PL, le gouvernement fait tout le contraire de ce que la sagesse recommanderait.
Ce qui est en jeu actuellement, ce n’est pas la protection des élu.e.s dans l’exercice de leurs fonctions. Ça, c’est le symptôme. Le véritable problème relève de l’exercice même de la démocratie.
Or le PL 57 non seulement ne pose pas la question des causes, mais il ne se préoccupe en plus que d’un seul aspect d’une seule des parties concernées.
En effet, qu’en est-il de la protection des citoyen.ne.s qui veulent exercer leur droit d’intervenir sur les choses de la vie publique ? Combien de fois doivent-ils/elles se voir ignoré.e.s par des élu.e.s qui ne sont pas sensibles à leurs doléances parfois exprimées, il est vrai, avec beaucoup d’émotion ? Ou qui n’y répondent pas ? Ou même qui leur répondent par voie de sommation ? Combien de fois, avant que la frustration ne prenne le pas sur la confiance, que le ton monte, que la situation ne s’envenime, que la colère ne s’exprime ? Combien de fois ? Combien de temps ?
La démocratie ne peut s’exercer sans une volonté de participation et de contribution honnête et respectueuse de toutes les parties concernées.
Comme citoyen de Longueuil, j’ai participé à une consultation du député fédéral Denis Trudel sur le développement de l’aéroport de Saint-Hubert, une consultation qui a résulté en un rapport.
La Ville de Longueuil a également organisé une consultation sur le même sujet via son Office de participation publique (OPPL), qui a également produit un rapport.
Bien qu’issus de démarches différentes et de participations différentes, les deux rapports en sont arrivés aux mêmes conclusions: on ne doit pas soutenir ce développement tant que le projet n’aura pas été déposé avec les études pertinentes (économiques, sanitaires, environnementales et climatiques) permettant de l’évaluer publiquement.
La mairesse Catherine Fournier a acquiescé au rapport de l’OPPL lors de son dépôt, et s’est engagée à le respecter.
Mais moins de quatre mois plus tard, elle faisait volte-face et prétextait l’acceptabilité sociale d’un projet de développement de l’aéroport présenté dans une conférence de presse annonçant la construction d’une aérogare de 9 portes d’embarquement, 4 millions de passagers à terme, soit 11 000 par jour alors qu’il y en a actuellement 11 000 par année, qui entraînera plus de 100 vols d’avion par jour, 6 à 8 vols par heure, un stationnement de 3 000 cases, un hôtel de 130 chambres, etc.
Ce non-respect flagrant des recommandations citoyennes de deux rapports de consultation a suscité la colère chez toutes les personnes ayant participé de bonne foi à ces démarches.
Il faut visionner l’excellent documentaire « COLÈRE CITOYENNE : DÉTOURNEMENT DE L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE » de Michel Jetté et Louise Sabourin, qui documente très bien ce dossier, où les membres de la Coalition Halte-Air Saint-Hubert demandent un moratoire sur le développement de l’aéroport, et que le projet soit déposé avec toutes les études d’impact pertinentes pour être évalué publiquement.
La meilleure protection des élu.e.s sera toujours de savoir écouter et entendre leurs citoyen.ne.s, parfois même au-delà du code de procédure si nécessaire. C’est là que débute le respect qu’ils-elles revendiquent pour leurs propres personnes, et non dans l’obtention de moyens de faire taire leurs citoyen.ne.s ou les divergences d’opinion.
De plus, comme me le faisait remarquer un ancien maire : « Si les élus apprenaient à se respecter entre eux et à donner l’exemple de débats civilisés et constructifs, je pense que nous n’en serions pas là. »
Quant au reste, je partage l’avis de la Ligue des droits et libertés qui écrit dans son mémoire « qu’il existe dans le cadre législatif actuel des recours tels que certaines infractions prévues au Code criminel ainsi que les demandes d’injonction prévues au Code de procédure civile, qui suffisent pour répondre aux menaces, à l’intimidation et au harcèlement visant des personnes élues. »
Bien que sachant que nul n’est censé ignorer la loi, toutes ces notions mériteraient de faire l’objet de campagnes régulières d’information et d’éducation populaire afin de renforcer leur compréhension tant par les élu.e.s que par la population.
De même, dans le parcours éducatif québécois, l’éducation à la citoyenneté devrait trouver une place plus importante pour que nos jeunes apprennent comment se comporter en société, mais aussi leurs droits citoyens de participation sociale.
Dans le contexte actuel de désinformation croissant, soutenu par l’utilisation abusive, voire excessive des médias sociaux, il devient capital d’apprendre et de comprendre que la participation sociale souhaitable ne passe pas par le nombre de « like » exprimés virtuellement, mais par de véritables échanges en personne avec les autres.
De plus, à l’heure des défis climatiques, environnementaux et de la biodiversité, des décisions de plus en plus difficiles vont s’imposer parce que nécessaires.
Nous avons besoin d’apprendre et de faciliter l’exercice de la démocratie, entre autres dans le parcours éducatif, afin que personne ne soit laissé derrière.
C’est le premier pas vers la solidarité qui sera des plus nécessaire à notre résilience.