« Nous sommes arrivés à ce qui commence. » – Gaston Miron

RÉDUIRE POUR CHANGER,
CHANGER POUR RÉDUIRE…
POUR SURVIVRE

Pour qu’il y ait une suite du monde

Jacques Benoit, Josée Harnois, Caroline Jacques et Lysane Picker-Paquin
Publié le 8 octobre 2024

Édition spéciale

Le 27 septembre dernier, 17 municipalités du Québec ont vu des marches et des rassemblements de citoyen.ne.s, de groupes communautaires, syndicaux, écologistes, de femmes. Nous reproduisons ici certaines des allocutions prononcées à Drummondville et à Rimouski.


Drummondville
Mot d’ouverture du rassemblement
Par Jacques Benoit
membre de GMob (GroupMobilisation)

Pour qu’il y ait une suite du monde

Aujourd’hui, nous nous rassemblons dans une quinzaine de villes du Québec pour qu’il y ait une suite du monde.

En 2018, le groupe GMob (GroupMobilisation) avait rédigé la DUC, la Déclaration d’Urgence climatique, pour qu’il y ait une suite du monde. Cette déclaration disait que l’état d’urgence climatique dans lequel nous étions faisait courir des risques aux générations futures en menaçant les niveaux de sécurité:

  • Économique, avec l’augmentation des inégalités;
  • Santé humaine, avec les risques de pandémie;
  • Alimentaire, par les précipitations violentes et les sècheresses sévères détruisant les récoltes;
  • Environnement, par la fonte du couvert de glace arctique et antarctique;
  • Et sécurité nationale et internationale, où des migrations massives déstabilisent des nations entières.

Pour qu’il y ait une suite du monde, des citoyennes et des citoyens de partout au Québec avaient déposé la DUC dans leurs conseils municipaux, et plus de 525 municipalités au Québec avaient reconnu l’urgence climatique. Suivant ce courant, les partis Québécois, Québec solidaire, Parti Vert et NPD-Québec, de même que le BQ, NPD, le Parti Vert du Canada avaient signé la DUC, et le gouvernement du Canada et celui du Québec avaient également reconnu l’urgence climatique.

En septembre 2019, 500 000 personnes marchaient dans les rues de Montréal, pour qu’il y ait une suite du monde… Mais 6 mois plus tard, le monde se voyait confiné par la pandémie de la COVID-19, une pandémie dont le risque était décrit dans la Déclaration d’urgence climatique…

Bâtir prend du temps, mais détruire, quelques instants.

Pour qu’il y ait une suite du monde, nous devons maintenant reprendre là où nous étions, avant que la pandémie ne détruise nos solidarités.

Pour qu’il y ait une suite du monde, nous devons nous rappeler que l’urgence de 2018 n’est pas moins urgente aujourd’hui. Six ans plus tard, alors que les événements extrêmes ne cessent de s’aggraver et de s’additionner partout, nous devons rebâtir notre mouvement.

Pour qu’il y ait une suite du monde, nous devons sortir de nos luttes en silos, et focusser sur ce qui nous unit, notre bien commun, ce bien commun que certain.e.s veulent accaparer.

Ce bien commun, c’est notre seule solution, la seule solution pour lutter contre ce qui cause le réchauffement planétaire, la pollution de l’air, la perte de biodiversité et la destruction de notre environnement.

Le bien commun, c’est la seule voie qu’il nous reste pour qu’il y ait une suite du monde.

Pour qu’il y ait une suite du monde…


Discours de Josée Harnois,
Coordonnatrice de la TROVEP Montérégie,
membre de GMob (GroupMobilisation)

Pour la suite du monde

On l’a vu cet été, les impacts de la crise climatique se font de plus en plus présents partout sur la planète, dont au Canada, au Québec et dans nos municipalités qui ont été prises avec des inondations majeures. (2.5 milliards réclamations aux assurances en août seulement)

On n’a plus le choix : doit sortir des énergies fossiles de façon urgente : nous sommes en URGENCE climatique! Nous avons déjà atteint le 1,5°C de réchauffement et on s’en va direct dans le mur avec les 2°C.

On doit sortir des énergies fossiles mais pas n’importe comment!

Le gouvernement Legault voit dans la transition énergétique des occasions d’affaires : la filière batterie, la filière éolienne, la filière aéronautique, la filière énergétique sont tous des projets d’affaires. On appelle ça du développement économique VERT…

Pourtant, cette vision affairiste ne va pas nous sortir de la misère! On va devoir continuer à extraire des minerais pour la filière batteries, on va continuer d’augmenter la consommation d’énergie en doublant la capacité d’Hydro-Québec pour fournir des méga-entreprises, on va continuer de développer les aéroports de Montréal et de St-Hubert qui sont des vecteurs de pollution, …. On va continuer de polluer l’air, l’eau, le territoire, en se disant qu’on a de l’acier vert.

Si on suit ce gouvernement, on va faire comme avant :

  • Vivre au-dessus de nos moyens, au-dessus de la capacité de la Terre à fournir les matières premières.
  • On va faire comme avant : on va continuer à privatiser les services publics (santé, éducation, et électricité).
  • On va faire comme avant : consommer encore plus pour enrichir les oligarques et laisser les pauvres dans la misère.

Il faut cesser ce Grand Cirque!

Face à l’urgence climatique, il faut un plan d’action global, intégré, qui permettra de sauver les meubles! Parce qu’on est rendu là : sauver les meubles ! Il faut absolument planifier en fonction du Bien commun, en fonction de moyens de résilience face aux catastrophes climatiques. En fonction de la sécurité de la population et celle des populations vulnérables qui n’ont pas les moyens de s’adapter aux changements climatiques.

Le Bien commun devrait être sur toutes nos planches à dessin.

Il faut absolument investir dans les services publics et les programmes sociaux et non les privatiser!

Il faut soutenir les travailleurs-euses dans la transition énergétique concernant les emplois

Il faut soutenir les populations vulnérables et pauvres pour accéder à des logements sécuritaires, à l’alimentation, à l’électricité.

Il faut repenser nos façons de faire, notre façon de vivre ensemble pour qu’il y ait une suite du monde!


Rimouski
Caroline Jacques, artiste.

Awaye passe la Ta 20
Une belle grand ligne Dwouette dans ma taïga
Dans ma forêt viarge !
ASPHALTONSSS !
Rasons les érablières d’en arrière !
Une grande raie din terres d’en arrière !¨
Rasons les feuillus, les conifères
Les grands arbres centenaires !
Les gars du ministère de la destruction
Qu’y ont « leux » cartes, pi toutes les permissions
Y nous écouteront pas plaider
Y’sont pressés
Le sujet est clos
L’avenir des bêtes est scellé
L’accès à la nature est bafoué
Le droit à la vie, c’est pour l’humanité…
Pi encore…ça dépend où t’es né.
On l’sait qu’ten à rien à foutre toi
De la maison du raton
De la hutte du castor
De la route des poilus, pi des cornus.
Des buissons fruitiers des ours,
Au tournant du petit ruisseau d’eau douce
Des Tortues, dé Tritons pi dé Ouaouarons
Qui s’font dorer au p’tit lac des joncs.
Ces lieux qu’t’as JAMAIS visités !
T’en Rien à crisser….
Des kilomètres de verdure
Buché, engraissé, labouré par nos grands-pères !
Ou rivière où se baigner, une frayère d’éperlan
Une pharmacopée avec laquelle…
Nos grands-mères nous ont tant de fois sauvées
Pi en plus… tu vas te servir à même nos portefeuilles
Tu nous arraches nos cennes
Parce que c’est toi qui gouvernes !
Tu penses que ton plan…y’ é bon
Que c’est LA solution
Pour gagner tes élections !
FAC, à grand coup de pépines, d’osties de grosses machines
Harnacher un territoire …Méchante vision !
J’hallucine merde ! (PAUSE)
Tu pourrais construire des logements, des écoles
Investir en santé, en environnement !
Ben non !
Tu vas dévaster NOTRE TERRITOIRE
Avec l’assentiment d’un fonfon
D’un carriériste cherchant ses galons
Un gars du ministère de la destruction
Qu’y a ses cartes, pi toutes les permissions
Pourquoi, pour qui ?
Pour les élections
Pour que les touristes arrivent plus vite à leurs RBNB ?
Ça suffit.
La folie des villes !
Y’é temps que vous compreniez que la nature, c’est la vie !
Pi que le béton, ça goûte pas bon…
« J’ai une p’tite nouvelle pour toi
Le haut placé… »
Ta 20, tu peux te la fourrer ben creux
On refuse que tu buches nos érables centenaires
On refuse que tu saccages nos marais, nos forêts pi nos rivières
On refuse ta grosse raie dans notre paysage !
Fuck, ton béton,
Libre à toi de le couler dans TON salon
Souille ta maison !
Pi admire ton étron !
Mais viens pas chier su mon perron !!!


Lysane Picker-Paquin
Membre de Mobilisation forêt Pointe-Au-Père

On habite sur un territoire volé, séquestré en frontières administratives – qui nient encore trop souvent le droit à la dignité aux personnes migrantes. Un territoire dépecé à grands coups de génocide – qui se poursuit ENCORE dans les réserves et le sillon des pensionnats.

On habite sur un territoire volé qu’on a réussi à vider de ses poissons, de son gibier, de sa forêt… en 400 ans, alors que d’autres ont habité pendant des millénaires avec ce territoire – libre, vivant, abondant.

Pis je pense que je suis pas toute seule à être tanné-e-s de les voir piller, éviscérer, saccager ce territoire.

TANNÉE de leurs “risques calculés”, calculés au coût de nos têtes, de la sueur de nos fronts dont ils dépendent.

Parce que le cash des gouvernements, leurs salaires pis leurs investissements, c’est notre argent à nous, les trop pauvres pour se payer un paradis fiscal. C’est notre travail – même celui qui est pas payé – qui fait rouler la machine.

Pis je peux-tu dire que ON EST ÉCOEURÉ-E-S de les voir crisser le monde en feu.

Si au moins y’avaient commencé par les postes de police pis les banques. MAIS NON ! C’est la forêt qui brûle qui en premier, ensuite les tourbières, bientôt l’océan.

Et nos gouvernements ne se contentent pas d’autoriser la destruction de milieux naturels. 14 hectares de milieux humides en Montérégie, en by-passant les évaluations environnementales vu que c’est pour “favoriser la transition énergétique” grâce à notre sauveuse, la filière batterie, une industrie connue pour rendre inhabitables les régions du monde qui ont le malheur d’être riches en lithium comme l’Argentine, le Chili et la Bolivie ou encore connue pour exploiter et tuer à l’ouvrage les populations locales au Zimbabwe, en Namibie et en République démocratique du Congo.

Est pour qui, cette “transition énergétique” si on vide les lacs et les rivières pis qu’on meurt dans leurs mines ?

43 700 hectares de forêt coupés sur le Nitaskinan malgré l’opposition des Gardiens du territoire Nehirowisi qui font face à une industrie forestière shootée aux subventions parce que les gouvernements fédéral, provincial ET municipaux ne se contentent pas de rien faire devant l’effondrement de la biodiversité et l’augmentation des changements climatiques, nonon, ILS INVESTISSENT MASSIVEMENT dans la destruction de milieux naturels : 1,2 millions de dollars pour une usine de pouzzolane au Nouveau-Brunswick, une roche volcanique qui sert à faire du ciment “plus vert” … faque ça tombe bien qu’on avait déjà investi 800 millions de dollars pour une usine de ciment de l’autre côté de la Baie-des-Chaleurs, à Port-Daniel, qui aura fini par faire perdre presqu’autant de millions à l’État québécois…

PIS ON RECOMMENCE :

  • avec 1,37 MILLIARDS de dollars à NorthVolt ;
  • pas 1,37 millions, nonon, 1 370 MILLIONS de dollars ;
  • c’est 6 FOIS PLUS que le budget prévu sur QUATRE ANS pour maintenir en état TOUS les logements sociaux de la province ;
  • c’est 4 FOIS PLUS que le budget prévu pour les services de garde éducatifs à l’enfance ;
  • c’est 19 FOIS PLUS que les nouveaux investissements dans les organismes d’action communautaire autonome qui tiennent notre filet social à bout de souffle.

SONT OÙ LES MILLIARDS quand on parle de justice sociale ???!!!

Et quand vient le temps de protéger le territoire, là aussi, on attend toujours. Ça fait 5 ans qu’on attend la stratégie de protection du caribou, et on sait toujours pas quand elle sera présentée … ni si ça va arriver avant l’extinction des 14 derniers caribous de la Gaspésie.

Quand vient le temps d’appliquer les Lois qui doivent protéger l’environnement, là aussi, on attend toujours.

Et on compte sur les signalements faits par la population pour les appliquer (faque notre travail gratuit, encore).

Je parlais de la cimenterie à Port-Daniel tantôt… Entre 2017 et 2022, c’est plus d’une centaine de signalements qui ont été faits, avant que le Ministère de l’Environnement se décide à agir… pis que la cimenterie s’en câlisse et continue ses opérations pareil.

Un peu comme les Excavations Léon Chouinard qui s’est fait remettre une ordonnance d’arrêt de travaux en juin dernier parce qu’elle remblayait illégalement des milieux humides… Ça faisait déjà 5 mois qu’elle dompait son argile sur une tourbière boisée, pis après l’ordonnance ben elle a juste dompé son argile à côté pis tout le monde était content, le saccage d’un boisé pouvait continuer au profit d’un nouveau COSTCO, pis d’un autre esti de beau gros parking.

Parce que les petites tapes sur les doigts du Ministère, ça fait pas peur aux entreprises parce que y’a pas vraiment de quoi avoir peur, anyways ! Dans les deux dernières années, au Bas-Saint-Laurent seulement, sur les 420 avis de non-conformité émis, y’en a seulement 86 qui ont mené à des sanctions administratives (veux-tu arrêter s’te plaît de pitcher des polluants dans la rivière… pleeeeaaase?) et 8 ont mené à des amendes … 7 en 2022, pis une seule en 2023 … Rendu là tu t’achètes un billet de loterie pis tu règles ça en coupant les vacances de tes salarié-e-s sans leur en parler (savent pas lire leur talons de paie anyways), mais même si l’entreprise reçoit une amende, on parle d’une moyenne de 4200$ pour les huit amendes du Bas-Saint-Laurent mentionnées tantôt, ça pèse pas mal moins que les grosses carottes qui viennent des fonds publics, parce que l’entreprise qui remblayait les milieux humides, c’est la même à laquelle la Ville de Rimouski a donné 5 MILLIONS de dollars pour élargir la voie aux beaux gros camions du COSTCO qui vont arriver tout droit de Mississauga Ontario par la belle grande autoroute 20 qu’on va avoir construit juste pour eux… Un autre 2 MILLIARDS que le gouvernement investit pour l’accélération des changements climatiques et l’effondrement de la biodiversité.

PIS ON EST TANNÉ-E-S de les regarder faire sans bouger.

Pendant combien de temps on va s’arracher les ongles sur la misère du monde sans s’attaquer à ce qui nous détruit vraiment ?

En tout cas, moi j’suis tannée PIS EN TABARNAK !

Quand aux quatre coins du pays du monde se battent pour empêcher la destruction des quelques hectares de milieux naturels qui restent pis que la seule réponse des gouvernements c’est la police, des tickets pis des lois spéciales.

Parce que y’ont peur de nous !

Y’ont peur de nous parce qu’ils savent que le changement va venir de la rue !

Pis qu’on va continuer de prendre la rue autant qu’il le faudra!!!


Drummondville
Mot de clôture du rassemblement
Par Jacques Benoit
membre de GMob (GroupMobilisation)

Aujourd’hui, des hommes, des femmes, des enfants vont marcher ensemble, solidairement, pour qu’il y ait une suite du monde.

Mais pour que les choses changent, nos gouvernements doivent cesser de voir le réchauffement climatique comme une occasion d’affaires. La décarbonation n’est pas une occasion d’affaires, mais l’occasion de changer urgemment nos façons de faire en société pour répondre à nos besoins, et surtout pour respecter les capacités de notre planète.

À la veille de la COP-29, nous sommes à mettre en péril notre survie. Il y a urgence d’agir pour nous, pour nos enfants et plus encore pour nos petits-enfants.

Il y a urgence d’agir pour qu’il y ait une suite du monde.

Merci d’avoir été là aujourd’hui.

Et on se revoit bientôt, plus nombreux encore.

Pour le bien commun!

Pour qu’il y ait une suite du monde!