« Nous sommes arrivés à ce qui commence. » – Gaston Miron

RÉDUIRE POUR CHANGER,
CHANGER POUR RÉDUIRE…
POUR SURVIVRE

Le monde a changé

Jacques Benoit, GMob (GroupMobilisation)
Publié le 16 février 2025

Ce qui suit est la mise en texte d’une présentation faite le 28 janvier 2025, soit une semaine après l’assermentation du président Trump. L’auteur répondait à une demande de la TROVEP Montérégie.

Quelques mises à jour ont été faites, principalement dans les hyperliens de référence. Dernière mise à jour: 15 février 2025

AVANT-PROPOS

L’élection de Donald Trump le 5 novembre dernier à la présidence des États-Unis n’a pas tardé à susciter des craintes et commentaires à propos du Projet 2025 qui constitue la base de son programme, mais dont il avait tenté de se distancier en campagne électorale. Les plus optimistes, sans être de ses partisans, ont répété qu’il fallait faire confiance aux contrepouvoirs existants aux États-Unis, qui l’empêcheraient de faire n’importe quoi et que, dans deux ans, aux élections de mi-mandat, les choses pourraient bien changer totalement. Cet optimisme, tout comme les illusions sur les conséquences d’une nouvelle présidence Trump, a commencé à fondre à mesure qu’on se rapprochait de son assermentation, et elles sont parties en vrille dès la fin de sa prestation de serment. Voyons cela ensemble. Et puisqu’une image vaut mille mots (et mille maux), attardons-nous d’abord au portrait officiel de sa présidence.

20 janvier 2017

 

Depuis Lyndon B. Johnson, devenu président américain après l’assassinat de John F. Kennedy en 1963, tous les présidents américains ont présenté un sourire sur leur portrait officiel, pour ainsi dégager de la bienveillance et de l’espoir quant à leur présidence à venir.

20 janvier 2025

 

Cette année, Donald Trump a brisé cette tradition sur une photo à l’éclairage cru et dramatique qui n’inspire pas la bienveillance. Cette image « de gars dur » présente une ressemblance frappante avec sa célèbre photo d’identité judiciaire. Si c’était l’effet recherché, alors sa photo nous rappelle (et rappellera aux générations futures) que quelques mois avant d’être élu, le président Trump a été reconnu coupable par un jury de 34 chefs d’accusation au criminel, qu’il est un criminel, et qu’il risque fort de se comporter comme un criminel pendant tout son mandat!

RECUL DE LA DÉMOCRATIE ET DES DROITS

Construire prend du temps ; détruire, un instant ! La démocratie a besoin de temps.

« La grande blague de la démocratie, c’est qu’elle donne à ses ennemis mortels les moyens de sa propre destruction. » – Joseph Goebbels

N’ayons pas peur des mots : Donald J. Trump veut la destruction, le chaos! Dans le chaos, pas de droit, pas de démocratie, la loi du plus fort fait loi! Il veut détruire les institutions de l’État de droit, l’égalité de droit pour tous, tout ce qui établit des normes, notamment: santé, environnement, droits du travail, immigration, fiscalité, etc. Il veut dérèglementer tout ce qui entrave le marché, ce qui nuit aux affaires, à l’exploitation capitaliste, à l’accaparement du bien commun public, etc.

Suivent quelques exemples:

D’autres exemples, à l’international :

ACCÉLÉRATION DE LA CATASTROPHE CLIMATIQUE

Le 10 janvier dernier, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) confirmait que 2024 fut l’année la plus chaude jamais enregistrée, avec une température supérieure d’environ 1,55 °C aux valeurs préindustrielles, en avance de 5 à 10 ans sur les prévisions du GIEC qui prévoyait la chose aux environs de 2030-2035.

Dix jours plus tard avait lieu l’assermentation de Trump. Et l’un de ses premiers décrets concernait la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Pour lui, pas de changements climatiques. Son slogan « Drill baby drill » ignore la catastrophe climatique, environnementale et de la biodiversité. Il veut que les É.-U. deviennent le plus gros producteur et utilisateur d’énergies fossiles. Selon lui, « la chaleur du chauffage au gaz est « bien meilleure » et ne provoque pas de « démangeaisons ». Il a annulé les programmes d’Économie verte (infrastructures, éoliennes) de Biden, interdisant la construction de nouvelles éoliennes.

L’IA, qu’il soutient, utilise « 30 fois plus d’énergie » qu’un moteur de recherche classique. Conséquemment, il a décrété l’urgence nationale énergétique et annulé des interdits de forage dans l’Alaska et dans les parcs nationaux.

Pourtant, une nouvelle étude sur l’Arctique qui se verdit et relâche du carbone explique que :

« c’est ce qu’on appelle le principe de la boucle de rétroaction positive. Le réchauffement planétaire entraîne le dégel du pergélisol dans l’Arctique, relâchant du même coup du carbone dans l’atmosphère. La hausse du CO2 atmosphérique amplifie le réchauffement planétaire, ce qui accentue davantage le dégel de pergélisol, relâchant encore plus de carbone dans l’atmosphère. Évidemment, ces émissions de CO2 s’ajoutent à celles issues directement des activités humaines, comme les transports, qui sont toujours à la hausse. »

Tout cela va accélérer la catastrophe climatique et les extrêmes météos. Les crises vont devenir de plus en plus nombreuses et violentes. Et alors que les Américains peinent à s’assurer en raison de la crise climatique, il annonce le démantèlement de la Federal Emergency Management Agency (FEMA), l’Agence fédérale de gestion des situations d’urgence, organisme gouvernemental américain dont le mandat est d’assurer du secours aux populations touchées en situation d’urgence. Rattachée au département de la Sécurité intérieure des États-Unis, la FEMA prend en charge les grandes catastrophes naturelles et celles liées aux activités humaines qui frappent le « territoire national » (comme les catastrophes climatiques).

Tout cela « encourage » les grandes banques américaines à sortir des accords et engagements climatiques.

DES IMPACTS BIEN AU-DELÀ DES ÉTATS-UNIS.

Les États-Unis sont le pays le plus puissant au monde. Tout ce qui s’y passe depuis le 20 janvier a des impacts au niveau mondial, au niveau du Canada, et ici au Québec.

Nous en tenon pour preuve: l’annonce des tarifs de + 25 % sur les exportations canadiennes aux É.-U., qui ne cesse de faire courir tous nos élu.e.s et nos capitalistes d’un océan à l’autre, et les fera courir jusqu’à ce que Trump change d’idée…ou pas. Il en est de même avec tous les pays qui commercent avec les États-Unis, dont ses alliés européens. Évidemment que ce genre de mesures risque d’avoir des impacts importants sur notre économie. Mais cette annonce n’est qu’un élément parmi tout ce qui se met en place au sud de notre frontière, une pièce du puzzle Trump / Projet 2025.

Un autre risque tout aussi important pour toute notre société et notre monde, mais dont personne ne parle : les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont vu leurs sites suspendus[3]« CDC’s website is being modified to comply with President Trump’s Executive Orders – Le site Web du CDC est en cours de modification pour se conformer aux décrets du président Trump. » https://www.cdc.gov/index.html , consulté le 11 février 2025.

, ce qui fait que la Santé publique du Québec a perdu depuis le 3 février une source importante d’informations pour sa vigie sanitaire quotidienne concernant les maladies infectieuses (VIH/SIDA, COVID, H5N1, etc.). Les dangers d’une nouvelle pandémie ne sont-ils pas déjà assez grands sans cela ?

Sans être exhaustif, voyons des impacts de ces reculs démocratiques et climatiques chez nous et dans le monde.

Démocratie et droits.

À partir des années ’70, nos gouvernements fédéral et provinciaux ont participé de leur plein gré à un recul de la démocratie et de nos droits : ils ont créé des débalancements budgétaires annuels (revenus/dépenses), ils ont accumulé des déficits qui ont gonflé la dette, leur donnant ainsi de plus en plus d’arguments dans l’opinion publique pour attaquer et rogner nos services publics, nos programmes sociaux et nos droits. Au Québec, ça nous a même donné le marquant « déficit 0 » de Lucien Bouchard, qui nous écrase encore.

Les années ’80 et suivantes ont aussi vu des pays de l’hémisphère Nord signer des Accords de libre-échange, pendant que la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international introduisaient les Programmes d’ajustements structurels dans l’hémisphère Sud. Ces traités ont servi à uniformiser les structures et gouvernances « démocratiques » des pays signataires, la plupart du temps suivant le plus petit dénominateur commun, mais il reste encore des différences grâce aux résistances et luttes sociales des populations de ces pays.

Toutes ces différences dans le type de démocratie et de gouvernance, dans l’existence d’institutions démocratiques, de services et régimes publics (santé, éducation, justice, sécurité sociale et publique, fiscalité, etc.) et de droits sociaux s’y rattachant pourraient jouer un rôle de remparts face au programme de recul démocratique Trump / Projet 2025 qui va s’abattre sur le monde et sur nous.

Le recul de la démocratie sera aussi le pendant de l’avancée, de la montée de l’extrême droite dans beaucoup de pays d’Europe, d’Amérique du Sud, d’Asie, etc.  Des partis d’extrême droite remportent de plus en plus de sièges aux élections, ou même les gagnent: Marine LePen (France), Giorgia Meloni (Italie), Victor Orban (Hongrie), Călin Georgescu (Roumanie), Alice Weidel (Allemagne – soutenue par Elon Musk)… Tout ce beau monde veut un « virage à 180 degrés » avec son slogan «Make Europe Great Again»[4]« Une ère a pris fin. Hier, nous étions les hérétiques. Aujourd’hui, nous sommes le courant majoritaire » – Viktor Orbán., un air de déjà-vu.  À ce beau groupe, il faut ajouter notamment Javier Milei (Argentine), Benjamin Netanyahu (Israël), Vladimir Poutine (Russie), Xi Jinping (Chine), les Talibans et Daesh.

Au Canada, d’ici deux ans, des élections prévues ou anticipées au fédéral, au provincial et au municipal verront des partis tenter de nous convaincre qu’on doit s’adapter à ce qui se passe aux États-Unis : fiscalité, services publics, droits sociaux, environnement, climat, etc., et tout cela, bien sûr, à la baisse pour favoriser les affaires et l’économie. Et des médias leur emboîteront le pas.

C’est déjà commencé : pendant que le chef conservateur Pierre Poilievre juge que la presse parlementaire est constituée de «médias libéraux » et souhaite que des « médias indépendants » puissent poser des questions aux élus dans l’enceinte du Parlement fédéral, l’ex-chef Erin O’Toole propose de réduire de façon temporaire les impôts sur les sociétés de 15 % à 8 % – de façon temporaire ? Et on pourrait facilement les rétablir ensuite ? – Les candidat.e.s à la chefferie du Parti libéral du Canada, eux, parlent de baisses d’impôts, d’abolition de l’augmentation du taux sur les gains en capital, de lutte au déficit, d’augmentation du budget militaire, etc.

Mais cette situation angoissante risque d’être bouleversée, que nous le voulions ou pas, par une question qui attaquera sans crier gare et sans discrimination, avec toutefois une certaine justice dans ses attaques, mais pas dans ses impacts, parce qu’ils seront plus douloureux chez les plus démunis (pays et populations), soit l’augmentation des crises climatiques.

Accélération de la catastrophe climatique

À regarder ce que fait l’administration Trump, entre autres via les « Muskovites » du DOGE, jusqu’aux pailles de plastiques qui trouvent un appui présidentiel, on pourrait presque croire que toutes les crises climatiques, environnementales et de la biodiversité sont disparues de la surface terrestre! Comme l’a affirmé le rassemblement de l’extrême droite à Madrid, il est temps de dire stop au « fanatisme climatique ».

Malheureusement, en matière climatique, le futur est tellement proche qu’on peut affirmer que le futur c’est… aujourd’hui! Comme le disait la scientifique Catherine Potvin en août 2023: « On peut même pas dire : c’est minuit moins une, là. C’est minuit plus quinze !… »

Nous sommes sur le bord de points de bascule[5]Point de bascule: Le point critique d’une situation, d’un processus ou d’un système au-delà duquel un effet ou un changement significatif et souvent irréversible se produit; changement d’état d’un système. climatiques, environnementaux, écologiques et sociétaux. Faut-il rappeler qu’en tous ces domaines, la Terre est un pays?  Notre survie est en péril, et cela va empirer dangereusement… gracieuseté de la nouvelle présidence américaine !

Le courant complotiste-négationniste local, régional, national et international va se développer avec de plus en plus de désinformation soutenue par les algorithmes des plateformes qui sont la propriété de la broligarchie. Cela entraînera un recul de la compréhension sociale des enjeux et de l’intelligence collective, qui sera remplacée par l’intelligence artificielle, nous rendant incapables de réagir en amont des événements.

Aux États-Unis, les nominations Trumpistes à la direction d’agences scientifiques (environnement, santé, NOAA, etc.), et l’abolition des interdits environnementaux, énergétiques, climatiques, etc., vont accentuer et aggraver les conditions de la catastrophe climatique. Ce négationnisme scientifique absolu des Trumpistes-Projet 2025 fera mal à l’humanité tout entière.

Au Canada, les « régressistes », qu’ils soient conservateurs ou libéraux, fédéraux ou provinciaux, fouettés par l’arrivée de Trump, s’activent à leur tour avec encore plus d’ardeur:

  • L’Alberta vient de lever l’interdiction d’exploitation du charbon dans les Rocheuses, et veut développer le marché de ses sables bitumineux vers les É.-U. et ailleurs par l’entremise de nouveaux oléoducs vers l’Est ;
  • Pierre Poilièvre veut relancer le pipeline GNL-Saguenay, abolir la taxe carbone et construire un 3e lien automobile (sans transport en commun) à Québec;
  • Pour les candidat.e.s à la chefferie du Parti libéral du Canada, c’est à qui adopterait le plus de mesures trumpistes : soutien et développement des énergies fossiles, abolition de la taxe carbone, etc.
  • Quant à la CAQ, elle reprend le projet de 3e lien et brade notre énergie électrique (PL 69) pour développer l’économie aux dépens de l’environnement, tout en réduisant au passage les pouvoirs des BAPE (PL 81). Le ministre Charrette se montre ouvert à un nouveau projet GNL[6]« Je sais pas jusqu’à quel point on a réellement gagné quelque chose au Québec de dire non à GNL Québec, parce que les projets continuent de se développer ailleurs dans le monde dans des juridictions beaucoup moins sévères à l’égard de l’environnement. On se rend compte que l’Accord de Paris, le scénario à 1,5 degré, c’est pas réaliste, on se demande même si les deux degrés c’est réaliste. Alors, tout ça s’est avéré. Et puis, quand on écoutait les gens qui étaient opposés au projet, c’est comme si GNL Québec aller faire sauter la planète, puis c’était la pire chose qui pouvait arriver, alors qu’on sait qu’aujourd’hui tout ça se produit pareil, et puis GNL Québec existe pas ! »Stéphanie Fortin, porte-parole de GNL Québec., et les médias jouent le jeu des sondages pour mousser GNL et Énergie Est, ce qui pourrait ramener à la surface d’un coup de baguette magico-économique l’exploitation des gaz de schistes ;
  • Sans compter le PCQ d’Éric Duhaime, qui veut relancer GNL-Québec, et autoriser l’exploration des gisements d’hydrocarbures et leur exploitation.

Ça n’arrête pas, les bonnes nouvelles !… Elles suivent les déclarations, actions et gestes posés par Trump, dont on ne peut faire la liste complète parce qu’il s’en ajoute chaque jour, chaque heure, presque chaque minute.

De nombreuses réalités ont déjà changé et d’autres changeront, pour s’accorder aux humeurs du président. Malheureusement, cela modifiera sensiblement notre société, nos façons de vivre, notre démocratie et notre monde.

Ce qui suit se veut une modeste première analyse permettant de voir venir, et une proposition de pistes d’action en découlant afin de nous protéger, autant que faire se peut.

LA GOUVERNANCE AMÉRICAINE

LE TRIDENT DU POUVOIR

Le système politique américain est complexe. Il est possible de résumer les institutions du pouvoir fédéral à trois branches principales :

D’abord, le pouvoir exécutif, qui met en œuvre les lois. C’est la Maison-Blanche composée de la présidence, du gouvernement et des agences. Le président émet des décrets, qui sont des déclarations officielles sur la manière dont les agences fédérales américaines doivent utiliser leurs ressources, dans le cadre des paramètres fixés par le Congrès et la Constitution. Le président a également un droit de veto sur des lois. De plus, il nomme les chefs d’agences gouvernementales et les juges à la Cour suprême. Et en tant que commandant en chef, le président peut aussi signer des décrets visant l’armée.

Ensuite, le pouvoir législatif, qui élabore, discute et vote les lois fédérales touchant divers aspects, notamment : impôts, commerce international, monnaie, poste, justice, armée, milice… Le Capitole est le bâtiment où siège le Congrès. Il est composé, d’une part, du Sénat (100 membres) présidé par le vice-président, et qui représente les États et la politique nationale, et, d’autre part, de la Chambre des représentants (435 membres), qui s’occupe des problèmes de la vie quotidienne des citoyens. L’un n’est pas supérieur à l’autre. Les deux assemblées doivent coordonner leur travail. Tous leurs membres sont élus, d’obédience démocrate ou républicaine (sauf 2 sénateurs indépendants qui votent avec les démocrates). Actuellement, les républicains (dont plusieurs MAGA – Make America Great Again – le mouvement de Trump) composent une faible majorité dans les deux institutions.  Le Congrès peut également destituer le président, confirmer ou rejeter les nominations présidentielles (chefs d’agences, juges), et destituer des juges.

Enfin, le pouvoir judiciaire, qui interprète et évalue le droit fédéral. Le pouvoir judiciaire peut annuler des décrets présidentiels et des lois s’il les juge inconstitutionnels. Il est composé de la Cour suprême (9 juges) et des autres cours fédérales. Actuellement, 6 des 9 juges de la Cour suprême ont été nommés par des présidents républicains, dont 3 par Donald Trump lors de son premier mandat. Bien que la Cour suprême interprète les lois selon la constitution, les positions personnelles et la partisanerie politique de ses membres influent grandement sur leurs décisions. Par exemple, le renversement récent par la Cour suprême du droit à l’avortement, pourtant reconnu en 1973 par cette même Cour suprême, est un exemple de jugement interprétant différemment la constitution selon la composition des juges membres!  La Cour a aussi grandement limité les pouvoirs de l’agence fédérale sur l’environnement chargée de la lutte aux changements climatiques.

Chacune de ces branches peut faire contrepoids à une autre.  Mais Trump va manœuvrer rapidement pour contourner cette structure et accaparer tous les pouvoirs, suivant quatre grands axes qui lui sont caractéristiques: décrets, nominations, mensonges et menaces.

LA GOUVERNANCE TRUMP

(AXE 1 DE 4) LES DÉCRETS

Le décret est l’instrument de choix des nouveaux présidents pour lancer leur administration. Les décrets – le type le plus formel des « actions exécutives » présidentielles, conférées par l’article II de la Constitution américaine – ne nécessitent pas l’approbation du Congrès et ne peuvent pas être directement annulés par lui. Toutefois, le Congrès, même aux mains des républicains, dont plusieurs MAGA, peut les bloquer en retenant des fonds ou en adoptant des mesures qui en compliquent l’exécution.

Rappelons-le encore : la démocratie prend du temps. Trump le sait, et c’est pourquoi il va fonctionner par décrets.

Richard Hétu, dans son blogue intitulé « Trump inquiète des élus républicains du Congrès » rapporte ce que Peggy Noonan, ex-rédactrice des discours de Ronald Reagan, a écrit : « Les décrets [de Trump] ignorent la branche du gouvernement appelée Congrès et vont à l’encontre de son autorité, de son rôle dans le drame républicain. Ils donnent l’impression que nous sommes un gouvernement à une seule branche. Tout cela habitue le public à l’idée de l’autoritarisme, du règne de l’homme fort. Nous allons choisir un nouveau caudillo et il nous sauvera avec sa plume ! Lorsque l’on supprime les branches et les équilibres, on crée des problèmes. »

Trump avait annoncé lui-même qu’une centaine de décrets étaient prêts, il en a signé 26 dès sa première journée, mettant en action le Projet 2025. En comparaison, Biden en avait signé neuf à sa première journée, et au cours de leur présidence respective (deux mandats sur huit ans au total), Barack Obama en a signé 276, George W. Bush, 291, et Bill Clinton, 364. (Voir la liste des décrets signés par Trump mise à jour régulièrement par Radio-Canada – 57 décrets au 13 février.)

Ce tsunami de décrets, c’est la stratégie « inonder la zone » promue par les conseillers de Trump qui vise à désarçonner, démunir, désorganiser, écraser, tétaniser les adversaires, à la manière d’un violent événement météorologique ! Ça vise aussi à en mettre plein la vue et faire plaisir aux supporters MAGA, et faire peur au monde entier, tout en occupant les médias et l’opinion publique, pour cacher ce qui est important : plusieurs sont inconstitutionnels. Notons par exemple:

  • La grâce accordée aux insurgé.e.s qui ont fait une tentative de coup d’État le 6 janvier 2021 – un coup d’État, c’est contre la constitution ! – et qui a permis à Stewart Rhodes, le fondateur des Oath Keepers, condamné à 18 ans de prison, de revenir visiter le Capitole[7]« Lui n’était pas au Capitole par étourderie ou pour suivre la foule. Il voulait faire un coup d’État. La même semaine, Rhodes s’en va faire un tour… au Capitole. Une vengeance, oui, mais une réhabilitation politique. On l’a ensuite vu dans un rassemblement de Trump à Las Vegas, bien en vue derrière le président. Ce n’est pas une anecdote, c’est un message. Les troupes souterraines de Trump sont en réserve. Rhodes a d’ailleurs annoncé un châtiment à venir contre ses ennemis politiques. » (La Presse, 3 février 2025) après sa sortie de prison ;
  • L’abolition du droit du sol (droit à la citoyenneté américaine pour tout enfant né sur le sol des É.-U, en vertu du 14e amendement de la Constitution) ;
  • L’attaque à la liberté d’expression (sous prétexte de « défense de la liberté d’expression ») qui permet de poursuivre notamment les journalistes, médias et juristes qui l’ont « persécuté », « poursuivi » ou « critiqué »;
  • L’attaque aux institutions de l’État de droit : congédiement de milliers de fonctionnaires, y compris dans l’armée et au FBI, pour les remplacer par des partisans marchant à la baguette du président, irrespectueux de la Constitution..

Bien qu’il y aura de nombreuses contestations, ça prendra du temps, ça occupera les tribunaux, ça coûtera cher, ça permettra à Trump et sa gang d’accuser la gauche radicale de les empêcher de remplir leurs promesses et de gouverner comme ils ont été élus… et le temps qu’on les arrête, ils auront tout détruit.

Ce sera le manuel de l’administration Trump pour les quatre prochaines années pour étriper le gouvernement, réduire le personnel et gérer les choses de façon incompétente.

Et pour appliquer plus sûrement les décrets, quoi de mieux que des nominations plus que dévouées à la tête des agences devant les mettre en œuvre.

(AXE 2 DE 4) LES NOMINATIONS [8]On peut aussi écouter l’émission du 6 février d’Infoman pour une présentation plus « élogieuse » de certaines des nominations retenues ici… https://ici.radio-canada.ca/tele/infoman/site/episodes/1002257/jeudi-06-fevrier-2025

C’est la prérogative du président de choisir son administration. Les candidatures qu’il propose pour les diverses agences ou services doivent être confirmées par le Sénat.

Cependant, parmi les nombreux candidats de Donald Trump aux postes qu’il leur a réservés au sein de son administration, plusieurs y ont été nommés expressément « pour démolir la crédibilité des institutions qu’ils sont appelés à diriger », comme l’écrit la journaliste du New Yorker Susan Glasser, rapporte encore Richard Hétu dans son blogue. Certaines de ces candidatures ne font pas l’unanimité, même chez les républicains, mais les MAGA sont omniprésents et pèsent de tout leur poids auprès des récalcitrants pour qu’ils rentrent dans le rang.

Il ressort clairement que ce qui est recherché chez les candidats proposés, c’est d’abord et avant tout la servilité au président, et non la compétence !

Voyons ensemble quelques nominations. La fortune de certaines sera notée, à titre informatif seulement. Ça n’influe en rien le choix du président… ou presque !!

NOUVEAU MINISTÈRE DE «L’EFFICACITÉ GOUVERNEMENTALE» – DOGE
Chargé d’éradiquer le gaspillage dans les ministères et agences fédérales.

Elon Musk [427,5 G$ US]

Plus grande fortune au monde ! S’il était un pays, il serait au 24e rang des 195 pays du monde en termes de PIB. Patron de Tesla, de SpaceEx, farouche partisan de Trump depuis juillet 2024, avec qui il a développé une célèbre broligarchie à laquelle se sont greffés Jeff Bezos d’Amazon, Mark Zuckerberg de Facebook/META et plusieurs autres hommes de pouvoir : présidents, PDG d’une multinationale ou d’un réseau social influent, ou ayant une fortune importante (multimillionnaires et multimilliardaires). Propriétaire de “X” (anciennement TWITTER), Musk a aboli toute vérification de faits, censure ou modération sur “X”, et établi la liberté d’expression « totale », dont celle de mentir, d’insulter et de menacer, ne s’en privant pas lui-même abondamment. Mark Zuckerberg de Facebook/META s’est rallié à cette politique après avoir rencontré Trump à Mar-a-lago! Son rôle à la Maison-Blanche sera d’identifier et de couper 2 000 milliards de $ dans l’administration du pays. Et pour ce faire, il a obtenu, bien que non élu, un « accès inédit au système de paiement du Trésor américain, lui permettant de surveiller et potentiellement limiter les dépenses gouvernementales […] Sécurité sociale et prestations de Medicare, subventions, paiements aux contractants gouvernementaux, y compris ceux qui sont en concurrence directe avec [ses propres] entreprises […], ce qui soulève des inquiétudes sur d’éventuels conflits d’intérêts et un pouvoir incontrôlé. »


SECRÉTAIRE À L’ÉDUCATION
S’assure du respect des directives fédérales, notamment sur les droits civiques, et de l’attribution de fonds fédéraux.

Linda McMahon [900 M$ US]

Elle a dirigé la fédération de lutte World Wrestling Entertainment (WWE). 76 ans, femme d’affaires et importante donatrice du Parti républicain ; a fait partie de la première administration Trump comme responsable des petites entreprises. Une poursuite a été lancée contre elle et son entreprise pour avoir fermé les yeux sur des agressions sexuelles dans la WWE, ce qu’elle nie. Elle pourrait annuler les décrets de l’administration Biden sur l’éducation, y compris les politiques sur la discrimination LGBT, dont une décision controversée d’élargir les règles de discrimination sexuelle pour inclure l’identité de genre. Trump a mené une campagne vigoureuse contre l’utilisation obligatoire des «pronoms préférés» et l’autorisation des individus transgenres de sexe masculin à féminin dans les sports féminins. La proposition la plus radicale de Trump, cependant, est d’abolir complètement le département de l’Éducation pour remettre entièrement la responsabilité des écoles à chaque État.


SECRÉTAIRE À LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
Créé en novembre 2002, le Département de la sécurité intérieure -DHS- s’efforce d’améliorer la sécurité des États-Unis. Ses domaines d’intervention incluent les douanes, les contrôles aux frontières et l’immigration, les interventions d’urgence en cas de catastrophes naturelles ou d’origine humaine –FEMA-, la lutte contre le terrorisme et la cybersécurité. Le DHS compte plus de 260 000 employés répartis à travers diverses agences de sécurité.

Kristi Noem

53 ans. Gouverneure du Dakota du Sud ; membre de la Chambre des représentants de 2011 à 2019 ; pressentie pour devenir la colistière de Trump. Elle a attiré l’attention du public en révélant l’an dernier avoir abattu son chien de 14 mois ; aussi une certaine notoriété en s’élevant contre des mesures obligatoires durant la pandémie.

Bien que l’immigration fasse partie du DHS, Trump a plutôt choisi…

Tom Homam comme « Tsar des frontières », un membre de la Heritage Foundation (à la source du Projet 2025) ; connu lors du premier mandat de Trump comme le « Tsar de l’expulsion » pour avoir participé à la séparation de parents et d’enfants migrants interceptés à la frontière sud du pays.


SECRÉTAIRE À LA SANTÉ ET AUX SERVICES SOCIAUX
C’est l’autorité pour la Santé publique, qui chapeaute 13 divisions et agences.

Robert F. Kennedy Jr. 

Neveu de John F. Kennedy, fils de Robert Kennedy, ancien procureur général, démocrates tous deux et assassinés. Avocat de 71 ans, il s’est lui-même lancé dans la course à la présidence comme indépendant, puis a joint Trump à la fin août 2024. Critique de l’industrie de la santé, il a été accusé de colporter de fausses théories chères aux anti-vaccins. Sa candidature est loin de faire l’unanimité, même dans les rangs républicains.  Plus de 75 lauréats de prix Nobel ont adressé une lettre ouverte exprimant leur opposition à sa nomination en raison notamment de son « manque d’expérience » et de ses positions anti-vaccins. Plus de 17 000 médecins ont également signé une lettre demandant au Sénat de rejeter sa candidature. Avec lui au pouvoir, tout le monde craint une nouvelle pandémie.


PROCUREURE GÉNÉRALE
Membre du cabinet du président ; représente les É.-U. dans les affaires judiciaires et supervise le département de la Justice.

Pam Bondi

Ancienne procureure générale de la Floride, une des proches de Trump, membre de son équipe de défense lors de son procès en destitution en 2020. Elle est le « plan B » de Trump, moins clivante que Matt Gaetz, un ultratrumpiste qui était son « plan A » pour ce poste. Sa loyauté à Donald Trump soulève des inquiétudes : va-t-elle utiliser le département de la Justice contre des opposants du président ? Devant les sénateurs, la femme de 59 ans a tenté de les rassurer, tout en se gardant la possibilité d’enquêter sur les adversaires de Trump. Pam Bondi a aussi été lobbyiste.


SECRÉTAIRE A LA DÉFENSE
Chapeaute les départements de la marine [US Navy et Corps des Marines], de l’armée de terre [US Army] et de la force aérienne [US Air Force et US Space Force] ; a aussi sous son commandement l’État-Major interarmées, les commandements militaires, ainsi que les diverses agences de défense, telle la Missile Defense Agency, qui s’occupe du bouclier antimissile américain ; 3 millions de personnes y travaillent ; budget annuel de 849 milliards $US

Pete Hegseth

Candidature particulièrement controversée : allégations d’inconduites sexuelles, d’alcoolisme et de mauvaise gestion de deux organismes à but non lucratif. Ancien militaire et animateur de Fox News, opposé à l’admission de femmes dans des rôles de combat, il défend la « méritocratie » et la « culture du guerrier ». Il s’est prononcé contre la discrimination positive pour les femmes et les minorités. Âgé de 44 ans, ce père de  sept enfants place aussi sa foi chrétienne au premier plan. Sa confirmation en poste est due au vote du vice-président J.D. Vance.Il a occupé plusieurs postes de haut niveau lors du premier mandat de Donald Trump, dont un poste de responsabilité au sein du Pentagone. Il est érigé en héros par les adeptes de QAnon, et adhère à de nombreuses théories du complot (dont l’une est que Barack Obama dirige un réseau occulte qui encourage la communauté du renseignement et la Big Tech à persécuter Donald Trump). Il a une liste d’ennemis parue en annexe de son plus récent livre intitulé « Government Gangsters : The Deep State, the Truth, and the Battle for Our Democracy » (Les gangsters du gouvernement : l’État profond, la vérité et la bataille pour notre démocratie).William Barr, ex-procureur général de Trump, fait partie de cette liste non exhaustive des «gangsters », qui comprend déjà 60 personnes, dont Joe Biden, Liz Cheney et Christopher Wray (ex-directeur du FBI) ; elle ne comprend pas les élus, journalistes et autres «mandarins malveillants » formant, selon Kash Patel, cet « État profond » qui a tenté de torpiller la présidence de Donald Trump après l’élection de 2016 et qui a réussi à truquer l’élection de 2020. Et il veut enquêter sur eux!


DIRECTEUR DU FBI

Kash Patel

Il a occupé plusieurs postes de haut niveau lors du premier mandat de Donald Trump, dont un poste de responsabilité au sein du Pentagone. Il est érigé en héros par les adeptes de QAnon, et adhère à de nombreuses théories du complot (dont l’une est que Barack Obama dirige un réseau occulte qui encourage la communauté du renseignement et la Big Tech à persécuter Donald Trump). Il a une liste d’ennemis parue en annexe de son plus récent livre intitulé « Government Gangsters : The Deep State, the Truth, and the Battle for Our Democracy » (Les gangsters du gouvernement : l’État profond, la vérité et la bataille pour notre démocratie).

William Barr, ex-procureur général de Trump, fait partie de cette liste non exhaustive des «gangsters », qui comprend déjà 60 personnes, dont Joe Biden, Liz Cheney et Christopher Wray (ex-directeur du FBI) ; elle ne comprend pas les élus, journalistes et autres «mandarins malveillants » formant, selon Kash Patel, cet « État profond » qui a tenté de torpiller la présidence de Donald Trump après l’élection de 2016 et qui a réussi à truquer l’élection de 2020. Et il veut enquêter sur eux!


DIRECTEUR DU BUREAU DE LA GESTION ET DU BUDGET DE LA MAISON-BLANCHE
Assiste la Maison-Blanche dans la tâche de préparation du budget fédéral des États-Unis, contrôle la mise en œuvre des programmes par les agences fédérales, vérifie le respect des politiques gouvernementales et des procédures et définit les priorités budgétaires.

Russell Vought

Un des coauteurs du Projet 2025. Cet homme de 48 ans a déjà occupé cette fonction pendant la seconde moitié du premier mandat de l’administration Trump. Fidèle du président, il est aussi un chrétien nationaliste. Il est derrière certains gestes controversés, comme le retardement de l’aide militaire à l’Ukraine en 2019 pour forcer son président à ouvrir une enquête sur Joe Biden. Il aura un rôle de premier plan pour les coupes budgétaires annoncées et la réduction du personnel fédéral.


SECRÉTAIRE AU COMMERCE
Promouvoir les entreprises et les industries américaines ; le ministère a pour mission de «favoriser, promouvoir et développer le commerce extérieur et intérieur des États-Unis ».

Howard Lutnick [2,2 G$ US]

Le PDG de la banque d’investissement Cantor fut l’un des principaux donateurs de la campagne de Donald Trump cette année. L’homme de 63 ans a également coprésidé l’équipe de transition de M. Trump, et sera responsable des restrictions aux exportations de produits américains de haute technologie vers la Chine. M. Lutnick a annoncé, le 21 novembre, qu’il se retirera de ses entreprises et qu’il cédera ses parts dans deux sociétés publiques pour occuper ce poste dans l’administration Trump.


AMBASSADEUR À L’UNION EUROPÉENNE 

Andrew Puzder

Ancien patron des chaînes de fast-food Hardee’s et Carl’s Jr. En 2017, Trump l’avait nommé ministre du Travail, mais il avait été contraint de se retirer quand il a reconnu avoir employé au noir pendant plusieurs années une femme de ménage en situation irrégulière.  Durant sa carrière d’avocat dans le Missouri, il a été une figure du mouvement contre le droit à l’avortement.


DIRECTEUR DE LA NASA

Jared Isaacman [1,9 G$ US]

Il n’a pas de diplôme d’études secondaires, n’est pas un scientifique, mais… Il est milliardaire et astronaute privé, alors il peut être patron de la NASA ! « Je suis ravi de nommer Jared Isaacman, chef d’entreprise accompli, philanthrope, pilote et astronaute, au poste d’administrateur de l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace (NASA) », a écrit Trump sur son réseau Truth Social. Ce choix pourrait potentiellement poser un conflit d’intérêts, compte tenu des liens financiers entre Isaacman, chef de l’entreprise financière Shift4, et Elon Musk, patron de SpaceX et membre de l’administration de Trump. Cet homme d’affaires de 41 ans est devenu l’une des principales figures des vols commerciaux privés dans l’espace en raison de ses collaborations avec SpaceX et s’affiche en fervent défenseur de Musk, qui coprésidera la commission sur l’efficacité du gouvernement.


SECRÉTAIRE AU TRÉSOR
C’est le ministre américain des Finances

Scott Bessent [500 M$ US]

Proche de longue date de la famille Trump, fondateur de la société d’investissement Key Square Group, il  a été nommé avec le mandat de mettre en œuvre le programme économique du nouveau président. Avec une fortune personnelle évaluée à au moins 500M$, M. Bessent devra fermer son fonds et cesser toutes ses activités spéculatives, car celles-ci sont incompatibles avec sa nouvelle fonction.


SECRÉTAIRE À L’ÉNERGIE
Chef du département de l’Énergie

Chris Wright [170 M$ US]

PDG de l’entreprise Liberty Energy, spécialisée dans la fracturation hydraulique (méthode polluante d’extraction d’hydrocarbures), il est soutenu par les pétrolières américaines. L’Agence France Presse rapporte que ce climatosceptique jugeait, il y a un an, « qu’il n’y a pas de crise climatique et nous ne sommes pas non plus en pleine transition énergétique […] Le terme de pollution par le carbone est scandaleux », car toute vie dépend du dioxyde de carbone, avait-il ajouté, réfutant également les termes « d’énergie propre ou d’énergie sale, toutes les sources d’énergie ont des impacts à la fois positifs et négatifs sur le monde. » Secrétaire à l’Énergie, avec comme feuille de route la dérégulation du secteur, il sera aussi  membre du nouveauConseil national de l’énergie, dont la mission sera, selon les mots de Donald Trump, de «superviser le chemin vers la domination énergétique des États-Unis».


DIRECTION DE L’AGENCE DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Lee Zeldin

Âgé de 44 ans, avocat de formation et ex-membre du Congrès, il a reçu plus de 410 000 $ de l’industrie pétrolière et gazière et remet en question les changements climatiques. Il s’est également opposé avec véhémence à l’interdiction de la fracturation hydraulique dans l’État de New York et a fait campagne pour y mettre fin. Partisan des combustibles fossiles, l’objectif affiché de sa feuille de route définie par Trump est clair : réduire les règlementations pour stimuler l’économie, revitaliser l’industrie automobile et renforcer la «domination énergétique» de l’État.


(AXE 3 DE 4) LES MENACES

Ces menaces sont partout, pour tout, sur tout, n’épargnant rien ni personne. Elles commencent souvent par des déclarations, puis deviennent des orientations, voire des décrets. Nommons, notamment:

À l’interne des États-Unis :

À l’externe des États-Unis:

(AXE 4 DE 4) LES MENSONGES

Pendant son premier mandat, Trump a prononcé 30 573 mensonges selon le Washington Post, soit, en moyenne, plus de vingt par jours ! Et il n’a pas arrêté pendant les quatre années subséquentes, son plus gros mensonge ayant été le vol de l’élection de 2020, qui a donné lieu à la tentative de coup d’État du 6 janvier 2021. Il semble déterminé à battre son propre record pendant son deuxième mandat, faisant usage d’accusations sans preuve, aidé en cela par Elon Musk et le contrôle de l’information (plateformes, médias), l’abolition des « facts check », d’où résultent mensonges, faits alternatifs, révisionnisme historique (la tentative de coup d’État du 6 janvier 2021 comme un jour d’amour de 1500 patriotes), etc.  Chaque fois qu’il ouvre la bouche, il en sort une logorrhée de mensonges tous plus gros les uns que les autres, au point où même les médias les plus honnêtes n’ont plus les ressources (temps, personnel, etc.) pour démentir.

La seule journée de son assermentation nous a permis d’entendre d’abord un discours officiel pas du tout unificateur, ultrapartisan, prédateur, annexionniste, avec des mensonges sur l’état de la situation aux É.-U. (sur le point de s’écrouler à tous les niveaux !), puis plus tard, un autre discours devant ses partisans réunis au Capitol One Arena, incitant à la haine contre les immigrants.

Pensons à ce qu’il a raconté en octobre dernier à propos d’un prétendu détournement de fonds d’aide aux sinistrés de l’ouragan Helen, comme si mentir allait aider la situation. Puis à son affirmation à propos de l’administration démocrate californienne, qui aurait préféré sauver un petit poisson plutôt que d’utiliser l’eau nécessaire à éteindre les feux à Los Angeles, suivie de sa solution : un décret ouvrant des réservoirs d’eau en Californie pour lutter contre les incendies de Los Angeles, gaspillant des milliards de litres d’eau. Pensons enfin à la catastrophe aérienne de Washington, où il a accusé les politiques de diversité dans l’embauche de contrôleurs aériens d’en être responsables.

Ajoutons à cela les nouveaux médias (journalistes indépendants, les podcasteurs, les influenceurs et les créateurs de contenu) qui auront accès maintenant aux points de presse de la Maison-Blanche. Il en va de même pour le Pentagone : Dehors le New York Times, NBC News, National Public Radio et Politico ; Bienvenue New York Post, One America News Network, Breitbart News Network et HuffPost News[9]Frédéric Arnould, « Trump et les médias : la fin d’une époque » (6 février 2025) ; et sur le sanewashing « Quand les médias « aseptisent » les propos de Trump » (20 septembre 2024).

Toute cette désinformation continuelle, encouragée et jumelée aux réseaux sociaux (X, Thruth, Facebook, TikTok, Instagram, etc.) favorisera la manipulation de la population désinformée ou malinformée, comme l’ont fait le complotisme et les antivaccins pendant la pandémie. Couplée aux menaces, cela crée le chaos, divise la population, oppose les gens les un.e.s contre les autres, fait naître et alimente la haine.

Cette façon de gouverner par décrets, nominations, menaces et mensonges ne vise qu’une seule chose : le recul de la démocratie aux États-Unis… et partout dans le monde.

ALORS : QUE FAIRE ?

Cette question, tous les progressistes et démocrates du monde se la posent, mais les réponses ne fusent pas, étant tous et toutes autant que nous sommes sous l’effet de la stratégie d’ « inondation de la zone ».

Pourtant, une réponse s’impose : RÉSISTER!

Comment? Je propose quatre pistes qui devraient baser toutes nos actions :

  1. Contrer la désinformation: se tenir informé ; vérifier la fiabilité de la (des) source(s), avoir plus d’une source pour confirmer l’information, diffuser cette information ; chercher et rapporter les faits[10]« Un fait est une information sans émotion. Une opinion est une information façonnée par l’expérience. L’ignorance est une opinion sans connaissance. Et la stupidité est une opinion qui rejette les faits. » (Tiré d’un post sur Facebook), se baser sur la science, sur la réalité, sur le terrain; si chacun.e a droit à ses opinions, personne n’a droit à ses propres faits (« faits alternatifs ») ; une population mal informée ou désinformée est une population manipulée à coup sûr !
  2. Contrer l’incivilité: ne pas nourrir la haine; être respectueux, poli; prendre soin les un.e.s des autres, cela commence là ; mais soyons conscients que ça va user de plus en plus notre patience.
  3. Contrer l’isolement et l’individualisme: promouvoir la solidarité, l’entraide, le collectif, les rapports sociaux par l’entremise de multiples activités, collaborations, fêtes, etc. ; moins de biens, mais plus de liens humains; des liens virtuels plutôt que pas de liens, des liens en personne plutôt que des liens virtuels.
  4. Et surtout : renforcer nos institutions publiques:
    • L’État est le seul qui a les capacités et les moyens d’agir par le biais des institutions publiques qui remplissent leurs missions : santé, éducation et culture, économie et environnement, soutien aux personnes et aux familles, justice et droits, sécurité extérieure et intérieure, etc. C’est pourquoi la privatisation des services liés à ces missions doit être exclue.
    • Il faut renforcer nos institutions publiques, en les démocratisant et en les décentralisant (pour être capable de répondre aux besoins et réalités du terrain), dans une optique de robustesse, c’est-à-dire renforcer leur capacité à se maintenir stables (à court terme) et viables (à long terme) malgré les fluctuations qui viennent. La redondance contribue à protéger la robustesse dans une perspective à long terme. Il ne faut pas viser la performance, sauf pour les situations et services d’urgence.
    • Nos institutions publiques, ce sont aussi nos institutions sociales: le mouvement communautaire, les syndicats, les groupes de la société civile.  Il faut donc aussi les renforcer, au besoin en créer de nouvelles. Cela peut paraître impossible maintenant, mais la catastrophe climatique risque fort de parler pour nous (à vrai dire : de hurler), et de nous obliger à créer de nouvelles institutions! Auquel cas, il faut les créer avec les mêmes objectifs: démocratiques, décentralisées, dans une optique de robustesse.

Et pour nous guider dans notre réflexion et nos choix d’actions, gardons en tête certaines phrases importantes, comme:

« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent » – Einstein.

 « Si tu veux un résultat que t’as jamais eu, faut que tu fasses quelque chose que t’as jamais fait ! »

Mais aussi ce que disait Churchill le 13 mai 1940 :

 « Je n’ai à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur »,

Parce qu’à partir de maintenant, la seule chose dont nous pouvons être sûrs : nous ne reverrons plus jamais le monde que nous avons connu de notre vivant.

Alors, gardons courage, ensemble!…


  1. Contraction de «Bros», diminutif du mot anglais «brothers» («frères») et oligarchie, groupe restreint de personnes détenant le pouvoir.
  2. Andrew Rosenberg, ancien responsable de la NOAA, explique qu’il n'existe aucune autorité légale pour abolir la NOAA ou réduire son budget, en dehors d'une réduction par le Congrès. « Ils se présentent où ils veulent, font ce qu’ils veulent. Ils procèdent à des coupes budgétaires et à des réductions de personnel majeures », a ajouté Rosenberg. « Je pense que la stratégie ici est la suivante : « Eh bien, nous allons simplement le faire et défier quelqu’un de nous arrêter, et le temps qu’il nous arrête, nous aurons tout détruit. »
  3. « CDC’s website is being modified to comply with President Trump’s Executive Orders - Le site Web du CDC est en cours de modification pour se conformer aux décrets du président Trump. » https://www.cdc.gov/index.html , consulté le 11 février 2025.
  4. « Une ère a pris fin. Hier, nous étions les hérétiques. Aujourd’hui, nous sommes le courant majoritaire » - Viktor Orbán.
  5. Point de bascule: Le point critique d’une situation, d’un processus ou d’un système au-delà duquel un effet ou un changement significatif et souvent irréversible se produit; changement d’état d’un système.
  6. « Je sais pas jusqu'à quel point on a réellement gagné quelque chose au Québec de dire non à GNL Québec, parce que les projets continuent de se développer ailleurs dans le monde dans des juridictions beaucoup moins sévères à l'égard de l'environnement. On se rend compte que l'Accord de Paris, le scénario à 1,5 degré, c'est pas réaliste, on se demande même si les deux degrés c'est réaliste. Alors, tout ça s'est avéré. Et puis, quand on écoutait les gens qui étaient opposés au projet, c'est comme si GNL Québec aller faire sauter la planète, puis c'était la pire chose qui pouvait arriver, alors qu’on sait qu'aujourd'hui tout ça se produit pareil, et puis GNL Québec existe pas ! » - Stéphanie Fortin, porte-parole de GNL Québec.
  7. « Lui n’était pas au Capitole par étourderie ou pour suivre la foule. Il voulait faire un coup d’État. La même semaine, Rhodes s’en va faire un tour… au Capitole. Une vengeance, oui, mais une réhabilitation politique. On l’a ensuite vu dans un rassemblement de Trump à Las Vegas, bien en vue derrière le président. Ce n’est pas une anecdote, c’est un message. Les troupes souterraines de Trump sont en réserve. Rhodes a d’ailleurs annoncé un châtiment à venir contre ses ennemis politiques. » (La Presse, 3 février 2025)
  8. On peut aussi écouter l’émission du 6 février d’Infoman pour une présentation plus « élogieuse » de certaines des nominations retenues ici… https://ici.radio-canada.ca/tele/infoman/site/episodes/1002257/jeudi-06-fevrier-2025
  9. Frédéric Arnould, "Trump et les médias : la fin d’une époque" (6 février 2025) ; et sur le sanewashing « Quand les médias « aseptisent » les propos de Trump » (20 septembre 2024)
  10. « Un fait est une information sans émotion. Une opinion est une information façonnée par l’expérience. L’ignorance est une opinion sans connaissance. Et la stupidité est une opinion qui rejette les faits. » (Tiré d’un post sur Facebook)