« Nous sommes arrivés à ce qui commence. » – Gaston Miron

RÉDUIRE POUR CHANGER,
CHANGER POUR RÉDUIRE…
POUR SURVIVRE

Pour un moratoire sur tout développement de la zone aéroportuaire de St-Hubert (YHU) Mémoire présenté à la consultation publique Aéroport de Saint-Hubert « De la gestion du bruit au développement »

URGENCE CLIMATIQUE MONTÉRÉGIE
Publié le 27 mai 2022

Qui sommes-nous?

URGENCE CLIMATIQUE MONTÉRÉGIE (UCM) est née d’une assemblée publique tenue en janvier 2020, organisée par des membres de La Planète s’invite au Parlement – Longueuil (LPSP-L), de la Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire de la Montérégie (TROVEPM) et de GMob (GroupMobilisation).

Nous reconnaissons l’urgence climatique telle que définie dans la Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique – DUC, appuyée par au moins 525 municipalités, MRC, CMQ et CMM représentant plus de 80 % de la population du Québec.

L’objectif que nous poursuivons est de nous réseauter pour mieux organiser la mobilisation face à l’urgence climatique.

Le partage d’information de nos actions locales, les discussions sur les façons de faire, et bien sûr, l’entraide motivent notre fonctionnement.

Nous sommes conscients que la catastrophe climatique dans laquelle nous glissons de plus en plus vite ne pourra trouver de réponse sans un plan d’action global impliquant tous les domaines de notre société, et tous ses niveaux : local, régional, national et international.

Le Plan de la DUC est un tel plan d’urgence global qui s’attaque aux causes de la catastrophe climatique, un plan à mettre en place dans les meilleurs délais pour faire face à cette urgence climatique.

Le Plan de la DUC identifie les actions et les domaines dans lesquels doivent s’investir les gouvernements fédéral et provincial, les municipalités et les citoyen.ne.s, et ceci, dans toutes les régions du Québec. Il demande également que les gouvernements supérieurs fédéral et provincial donnent aux municipalités, comme gouvernements de proximité, les moyens et ressources nécessaires à répondre sur le terrain aux besoins et à la protection de leurs populations et de leurs milieux.

Ont participé ponctuellement aux activités et actions d’UCM :

Comité des citoyens et citoyennes pour l’environnement maskoutain (CCCPEM)

Conseil central de la Montérégie-CSN

Diocèse Saint-Jean Longueuil

Éco-Alliance du Haut-Richelieu

GMOB (GroupMobilisation)

La Planète s’invite au Parlement Longueuil (LPSPL)

Mères au front (MAF) Rive-Sud

Mouvement d’action régional en environnement (MARE)

Regroupement des travailleurs.euses migrants agricoles du Québec (RATTMAQ)

Syndicat de Champlain CSQ

Table régionale des organismes volontaires en éducation populaire (TROVEP) de la Montérégie

NOTE :
De toutes les questions importantes reliées au développement de l’aéroport de St-Hubert, dont l’effet qu’il a déjà (et ceux à venir) sur la faune et la biodiversité n’est pas le moindre, nous ne nous attarderons qu’à celle des émissions des gaz à effet de serre (GES) dans le cadre du réchauffement climatique causé par notre consommation d’énergie et de matière, parce qu’il s’agit plus de notre domaine d’action, mais aussi parce que nous savons que d’autres groupes et spécialistes interviendront sur ces autres aspects dont il faut absolument tenir compte dans l’évaluation.

D’entrée de jeu, nous voulons rappeler que les GES et leurs impacts ne peuvent être circonscrits à une région, limités à une superficie ou à une courte durée. Il presse que nous comprenions que rendu là où nous en sommes, la Terre est un pays. Aucun gouvernement, ni aucun promoteur de projet, ne peut ni ne doit non plus ignorer la responsabilité qui lui incombe et à toute société humaine par rapport à la catastrophe climatique en cours et à ses enjeux urgents.

Il en va de même pour toute consultation sur le sujet, où la population se doit d’être conviée largement à y prendre une part active, parce que c’est elle qui en subira les conséquences à court, moyen et long terme. Elle doit pouvoir poser ses questions ou discuter de la situation, de ses impacts et de possibles solutions, si elles existent. De même, elle doit pouvoir prendre les décisions difficiles, mais seules conséquentes et responsables dans la situation actuelle et à venir, au vu du projet et de ses impacts en termes d’émission de GES.

Or cette consultation publique n’a pas favorisé l’expression du plus grand nombre, trop peu de gens en ayant été avisés.

Certains diront qu’elle répondait à une promesse électorale et qu’elle ne pouvait être annulée. Nous croyons au contraire que cette consultation, pour qu’elle ait tout son caractère démocratique et qu’elle serve à informer et éduquer la population sur les enjeux importants qui la concernent, aurait dû bénéficier de toute la publicité et la sensibilisation nécessaire, quitte à prendre plus de temps avant sa tenue pour rejoindre le maximum de citoyen.ne.s et favoriser leur participation.

Les délais trop courts, et le peu de publicité de l’événement n’auront pas permis de servir de moment d’éducation populaire, et de conscientisation commune aux enjeux des plus cruciaux pour la survie de notre population, de nos enfants et de nos petits-enfants.

Un mot sur le « RAPPORT SUR LA DÉMARCHE DE PARTICIPATION CITOYENNE »

Il serait impensable aujourd’hui de faire un sondage sur la cigarette en y posant que des questions en rapport avec les avantages économiques (emplois directs et indirects, retombées économiques : agriculture, industrie, transport, etc.) ou la défense des libertés (les droits individuels, les différentes saveurs possibles, le plaisir de fumer, les liens sociaux créés), mais sans soulever tous les problèmes graves de santé que fumer fait courir aux personnes qui fument et à leur entourage, tout comme les dangers sociaux reliés à la cigarette : les incendies ou encore le commerce illégal et le banditisme.

Pourtant, c’est ce que réussit à faire DASH-L dans un sondage appelé pompeusement « RAPPORT SUR LA DÉMARCHE DE PARTICIPATION CITOYENNE » en ignorant tout le contexte du réchauffement climatique auquel contribue le transport aérien. Une des questions du sondage intègre l’expression « en harmonie avec notre environnement », ce qui équivaut à dire « en faisant attention »… comme si cela devait nous rassurer.

En consultant ce rapport brandi par DASH-L pour démontrer sa grande écoute et toute son ouverture à la population, ainsi que l’appui manifesté à son projet, on constate rapidement en lisant les questions posées aux participant.e.s qu’on les a sondés sur des énoncés pieux et vagues, sur des souhaits faciles et des promesses superficielles, mais surtout en évitant de parler de ce qui devrait les préoccuper : les impacts négatifs de ce développement.

On cherche en vain la description détaillée de la réalité de l’aéroport, des impacts actuels de cette infrastructure, des raisons qui motivent un projet de développement (quel qu’il soit), des besoins auxquels cela répond, du contexte dans lequel tout cela s’inscrit, des impacts futurs de ce développement, etc., le tout sérieusement chiffré.

Rien dans les informations actuelles ne permet de répondre, par exemple, à ces quelques questions :

  1. Quels sont les motifs d’utilisations de l’avion par les passagers actuels, et les distances reliées: motifs personnels (vacances, visites aux proches, assistance à des événements sportifs ou culturels, autres loisirs), mais aussi pour le travail (déplacements occasionnels, déplacements réguliers de type domicile-travail) ? (Des statistiques)
  2. Combien y a-t-il de passagers actuellement ? Et en comparaison, combien y en aurait-il à terme des 4 phases de développement que veut réaliser DASH-L ?
  3. Combien de vols actuellement ? Types d’avion et de vols ? Type et nombre de vols supplémentaires et types d’avions avec le projet de développement ?
  4. Quelles sont les émissions actuelles (directes et indirectes) de GES de l’aéroport et de ses composantes ? Quelles seront les émissions (directes et indirectes) de GES de l’aéroport et de ses composantes pendant et après son développement?
  5. Comment DASH-L voit-elle son rôle dans le développement de la catastrophe climatique en cours, et comment prévoit-elle participer à la réduction des GES (maintenant et via son projet de développement) ? (Chiffres et calendrier de mise en place).

Parions que des réponses sérieuses et complètes de DASH-L à ces questions soulèveraient assurément d’autres questions drôlement pertinentes par la population. Déjà que bien d’autres questions soulevées par plusieurs groupes de citoyen.ne.s. ne trouvent pas réponse !

Conséquemment, dans ce qui suit, nous allons nous consacrer à présenter le contexte ignoré par DASH-L, à savoir le réchauffement climatique planétaire et les dangers que cela, aviation comprise, fait courir à l’Humanité et à tout le vivant sur Terre.

Résumé

La question du développement de l’aéroport, comme toute question de développement, ne peut dorénavant être dissociée de l’urgence climatique. Nous devons répondre aux impératifs du réchauffement climatique pour que la population ici et ailleurs ait les meilleures chances de survivre.

Ce réchauffement est causé par notre mode de consommation excessive, et notre utilisation d’énergies fossiles (charbon, pétrole, kérosène, mazout, gaz naturel ou de schiste, etc.) qui émet des GES. Or, quel est le portrait global de la situation, et le rôle particulier de l’aviation dans cette problématique ?

Il faut d’abord bien comprendre que les GES n’ont pas de frontières. Quel que soit le pays à l’origine des émissions, le résultat retombera sur l’ensemble de la planète et influencera le climat mondial.

Comme pays riche, nous faisons partie des plus grands émetteurs de GES quand on ramène nos émissions par habitant. Notre mode de vie, notre consommation excessive et toujours grandissante font en sorte que si tous les habitants du monde consommaient comme les Canadiens et les Québécois, il faudrait près de quatre planètes Terre pour répondre aux besoins.

Nous courons à notre perte. Nous devons de toute urgence réduire notre consommation en général, et notre consommation d’énergie en particulier, afin de limiter le réchauffement planétaire en cours à 1,5 °C, bien de dessous de 2 °C.

Le dernier rapport du GIEC affirme qu’il ne nous reste que trois ans – TROIS ANNÉES- pour agir si nous voulons éviter les pires impacts du réchauffement planétaire en cours.

Mais actuellement, nous nous dirigeons plutôt vers des augmentations de +3 à +5 °C d’ici 2100, et à ce niveau, cela annonce la fin de la civilisation telle que nous la connaissons. Comme le dit Jean-Marc Jancovici, membre du Haut Conseil pour le climat, en France : “Une augmentation de 3 à 5 °C, c’est la famine et la guerre partout.”

Pour réduire notre consommation, nous devons identifier tous les domaines où nous devons agir urgemment. Le secteur des transports est le plus grand émetteur de GES, comptant pour plus de 40% de nos émissions. Or nos inventaires de GES ne tiennent pas compte des émissions du transport aérien international.

De plus, l’émission d’une tonne de CO2 en altitude par rapport à celle émise au sol avec la même quantité de carburant n’a pas le même facteur radiatif ou “d’altitude”. On le considère rarement, bien qu’il soit de l’ordre de 2 à 3, multipliant ainsi par 2 ou 3 les émissions “standards” d’un voyage en avion.

C’est pourquoi tout développement de l’aéroport qui entraînerait une augmentation des émissions directes ou indirectes de GES doit être stoppé.

Et nous demandons un moratoire tant et aussi longtemps que tout projet de développement avec toutes ses composantes ne fera pas l’objet d’un test climat visant à répondre aux défis que fait poser le réchauffement climatique sur l’avenir de la population ici et ailleurs.

CONTRIBUTION À LA CATASTROPHE CLIMATIQUE EN DÉVELOPPEMENT

La question du développement de l’aéroport, comme toute question de développement, ne peut dorénavant être dissociée de l’urgence climatique. Nous devons répondre aux impératifs du réchauffement climatique pour que la population ici et ailleurs ait les meilleures chances de survivre.

Ce réchauffement est causé par notre mode de consommation excessive, et notre utilisation d’énergies fossiles (charbon, pétrole, kérosène, mazout, gaz naturel ou de schiste, etc.) qui émet des GES.

Or, quel est le portrait global de la situation, et le rôle particulier de l’aviation dans cette problématique ?

Avec une estimation moyenne et crédible de 170 kg d’équivalent CO2 émis par heure de vol, il suffit à un passager en classe économique de voler pendant 10 heures en avion pour générer autant de GES qu’un habitant de l’Inde peut en générer pendant toute une année. Cette estimation vaut, quel que soit l’appareil : du monomoteur léger au gros charter.

Selon l’inventaire 2018 des GES du Québec, le secteur du transport générait 36,1 mégatonnes d’équivalent CO2, mais un autre inventaire, canadien celui-là, les chiffre plutôt à 39 mégatonnes. Peu importe l’inventaire, ce secteur représentait le plus grand émetteur de GES, comptant pour plus de 40% de nos émissions.
Mais ces inventaires ne tiennent pas compte du transport aérien international, toujours en augmentation. Pas plus qu’ils ne tiennent compte des effets complexes des aérosols et autres particules des traînées de condensation des avions.

Les particules émises au décollage et à l’atterrissage se retrouvent sur nos résidences, sur leur revêtement extérieur, comme une couche de suie, qu’il faut laver chaque été. Peut-on imaginer maintenant que cette même suie compose également l’air que respirent tous les jours nos familles qui habitent tout autour de l’aéroport et nos enfants qui étudient et jouent dans les cours d’école sous les trajets d’envol et d’atterrissage ? À part Maxime Bernier, quelqu’un va-t-il nous affirmer sérieusement que le CO2 qui pollue l’air va permettre à nos enfants, telles des plantes, de mieux pousser, de mieux grandir ? Ou peut-être aussi que ça aide à guérir les problèmes respiratoires ou les cancers du poumon ?

Dans son rapport d’avril dernier, l’Institut de la statistique du Québec présente les GES émis directement par les ménages et ceux émis indirectement par les secteurs d’activité économique du Québec pour produire les biens et services ultimement consommés par les ménages au Québec. Ces émissions indirectes de GES, qui découlent des activités de production de biens et services en sol québécois, se chiffrent à 13 Millions de tonnes (Mt) éq.CO2.
« La catégorie transport, c’est-à-dire les véhicules, les pièces et les services liés à l’utilisation de véhicules ou des services de transport tels que le transport ferroviaire ou aérien […] donne lieu à 20% de ces émissions indirectes. Les transporteurs aériens sont responsables de la moitié des émissions de la catégorie transport. » (p. 17)

Depuis plusieurs décennies, les scientifiques tentent de comparer le forçage radiatif causé par l’émission d’une tonne de CO2 en altitude par rapport à celle émise au sol avec la même quantité de carburant. Ce facteur radiatif ou “d’altitude”, rarement considéré, est de l’ordre de 2 à 3, multipliant ainsi par 2 ou 3 les émissions “standards” d’un voyage en avion.

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a estimé que pour respecter les objectifs de l’accord de Paris sur le climat, i.e. limiter le réchauffement planétaire en cours à 1,5 °C, bien de dessous de 2 °C, les émissions de GES doivent diminuer de 7,6 % par année au cours des prochaines années.

Les émissions mondiales ont chuté de 6,4 % sous l’effet de la pandémie. Au Canada, elles ont chuté de 9 %. Mais comme l’indique le graphique suivant du Global Carbon Project, nous avons rattrapé cette réduction en 2021 et rien ne laisse croire que cette tendance à la hausse se modifiera.

Le Canada arrive au 10e rang des pays les plus émetteurs de GES quand on exprime ses émissions par habitant, soit près de 15 tonnes/hab. Pour respecter l’Accord de Paris, le gouvernement canadien s’est engagé à réduire de 40-45 % d’ici 2030 les émissions canadiennes de GES. Cela signifie que pour atteindre cette cible, la contribution du transport aérien devrait être une réduction de ses émissions de 6 % à 7 % par année, à partir de 2023.

Suivant la même échelle, le Québec, à 9 tonnes/hab., se situerait au 23e rang mondial des plus émetteurs. Ça n’empêche pourtant pas le gouvernement québécois de viser une réduction moins audacieuse : 37,5% de ses émissions pour 2030. Pour atteindre cette cible, la contribution du transport aérien devrait être une réduction de ses émissions de 5,7 % par année, à partir de 2023.

Des chercheurs de l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, ont ciblé quelques changements au mode de vie occidental qui permettraient de réduire les émissions mondiales de GES de 25 %, une cible de réduction encore moindre que les précédentes. Dans leurs solutions, l’une concerne les voyages en avion : on ne devrait prendre l’avion pour un vol court (trois heures et moins) qu’une fois tous les trois ans et pour un vol long, qu’une fois tous les huit ans.

Si vous trouvez ces cibles exagérées, sachez que même les plus élevées d’entre elles ne seront pas suffisantes pour empêcher les crises climatiques de s’additionner les unes aux autres. Pourquoi ? Parce que toutes ces cibles ont été fixées depuis déjà un certain temps, il y a même plusieurs années, et comme rien n’a été fait depuis leur fixation, aucune réduction ne s’est matérialisée. Le Washington Post, dans un article du 7 novembre dernier, allait encore plus loin en affirmant :

« Quelque 45 pays n’ont pas communiqué de nouveaux chiffres sur les gaz à effet de serre depuis 2009. L’Algérie, un important producteur de pétrole et de gaz, n’a pas déclaré ses émissions depuis 2000. La Libye déchirée par la guerre, un autre exportateur clé d’énergie, ne déclare pas du tout ses émissions. La nation d’Asie centrale du Turkménistan, dont l’économie est alimentée par le pétrole et le gaz, n’a pas signalé d’inventaire depuis 2010 – bien qu’elle ait été accusée à plusieurs reprises ces dernières années d’importantes fuites de méthane.[…] Comparer ce total à des mesures indépendantes des émissions mondiales révèle une importante sous-déclaration, allant de 8,5 milliards à 13,3 milliards de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre. Cela exclut plus d’un milliard de tonnes d’émissions provenant des transports aériens et maritimes internationaux, dont aucun pays n’assume la responsabilité. » (traduction Google)

Cela signifie que nos émissions continuent d’augmenter, que la pente nous séparant de l’objectif s’est d’autant élevée et devient par conséquent jour après jour plus abrupte, et plus exigeante (comme vous pouvez le constater sur l’infographie du PNUE de 2019 qui suit.)

 

La réalité du réchauffement planétaire nous forcera à réduire encore plus drastiquement nos émissions de GES sous peine de souffrir amplement des désastres qui nous assailliront. Pour ceux qui ne savent pas ce que signifient des désastres qui font souffrir, pensez seulement aux températures de 50 °C, et jusqu’à 60 °C en Inde et au Pakistan à la fin avril, début mai.

Si vous croyez, comme le ministre Dufour avec les caribous forestiers, que toutes ces questions « méritent plus de réflexions », sachez que la réflexion a été faite depuis longtemps au niveau mondial par des centaines et des milliers de scientifiques de partout dans le monde, et que leur conclusion dans le dernier rapport du GIEC est qu’il ne nous reste que trois ans – TROIS ANNÉES – pour agir si nous voulons éviter les pires impacts du réchauffement planétaire en cours. Pas tous les impacts, seulement les pires !…

Encore une fois : que signifie l’expression « les pires impacts » en matière de climat ?… Ça signifie qu’actuellement, nous nous dirigeons vers des augmentations de +3 à +5 °C d’ici 2100, et qu’à ce niveau, cela annonce la fin de la civilisation telle que nous la connaissons. Comme le dit Jean-Marc Jancovici, membre du Haut Conseil pour le climat, en France : “Une augmentation de 3 à 5 °C, c’est la famine et la guerre partout.”

Vous doutez? Prenons un autre exemple.

Voici une carte de l’Amérique du Nord, à l’apogée de la dernière période glaciaire. On y voit des courbes de niveau indiquant l’épaisseur de la couche de glace qui couvrait tout le Canada, jusqu’au milieu des États-Unis. Des épaisseurs 2 000, 3 000 et même 4 000 mètres, soit 2, 3 et 4 km d’épaisseur de glace.

Maintenant, voici une carte de l’Europe. À gauche, la même époque glaciaire, et à droite, aujourd’hui.

On peut voir que la couche de glace au nord faisait 3 km d’épaisseur. Avec toute cette glace sur tous les continents, l’océan était plus bas de 120 mètres.

Ce qui différencie la carte de gauche de la carte de droite, outre les 20 000 ans qui les séparent, c’est une augmentation moyenne de la température planétaire d’environ 5 °C !…

C’est la même augmentation vers laquelle nous nous dirigeons actuellement, mais cette fois-ci, ça va se faire en 100 ans. En si peu de temps, la capacité d’adaptation de tout le vivant sur Terre est grandement réduite !

Le rapport Réalité climatique 2020 explique que: « À +3°C la production de nourriture va être insuffisante pour nourrir la population ; diminution de ⅕ du rendement des cultures, déclin des nutriments contenus dans la nourriture, déclin catastrophique de la population d’insectes, désertification, dysfonctionnements des phénomènes de mousson et manque chronique d’eau.  Ce sera “catastrophique” pour les moyens de subsistance des trois milliards de personnes les plus pauvres du monde. +4 °C, c’est incompatible avec une communauté mondiale organisée, ça va au-delà de “l’adaptation”, c’est dévastateur pour la majorité des écosystèmes.  Ce sera invivable même pour une seule moitié de la population du globe. »

Imaginez maintenant + 5 °C.

Et comme une image vaut mille mots…

Un ancien premier ministre du Québec, devenu porte-parole de l’Association des pétrolières et gazières du Québec[1] aimait répéter sur toutes les tribunes que « le risque zéro n’existe pas », pour excuser les nombreux accidents de cette industrie qui dévastaient chaque fois l’environnement. S’il avait été encore à l’emploi de cette Association, nous pouvons nous demander s’il aurait eu le front de répéter sa phrase fétiche lors de l’accident de Lac-Mégantic! Toujours est-il que sa façon de considérer les risques de l’industrie fossile est symptomatique de la façon dont nos dirigeant.e.s analysent les possibilités qui nous attendent avec le réchauffement climatique. Au moins cinq scénarios, du meilleur au pire, leur ont été présentés par le GIEC depuis déjà plusieurs années. Chaque nouveau rapport vient confirmer que dans la fourchette d’hypothèses, c’est la pire possibilité qui ne cesse de se corroborer. Et les événements extrêmes tout autour du monde se collent à cette option, allant jusqu’à la devancer dans le calendrier de prévision.

Par exemple, le climatologue et ancien VP du GIEC, Martin Beniston, déclarait l’été dernier sur RTF que le dôme de chaleur en Colombie-Britannique à 49,5 °C faisait partie il y a une dizaine d’années des pires scénarios du GIEC, mais il était prévu… pour la deuxième moitié du XXIe siècle ! Nous n’en avons pas encore franchi le quart !

[1] Renommée aujourd’hui « Association de l’énergie du Québec »

Il faut se rendre à l’évidence : la gestion de risque en matière climatique n’a rien de commun avec la façon de faire en d’autres circonstances, parce que si nous nous trompons, nous n’aurons pas de 2e chance. Le choix est simple : ou nous nous contraignons maintenant à effectuer ces difficiles, mais nécessaires, transformations sociétales, ou nous attendons que le climat s’en occupe pour nous.

Comme disait le Maire de Québec cet hiver par rapport au convoi des protestataires sanitaires : « Faut se préparer au pire, et se souhaiter le meilleur ! »… Mais de grâce, pas l’inverse !

C’est pourquoi le Plan de la DUC préconise que la cible de réduction à viser soit de « 0 émission de GES en 2030 » !

Est-il encore besoin de démontrer pourquoi, si on veut parler d’un développement de l’aéroport « en harmonie avec l’environnement » (selon leur propre expression), il faut causer réduction de GES et transformation pour l’avenir de toute la population, ici et ailleurs ?

Avant de terminer, parlons d’un phénomène que les Compagnies d’aviation, comme la plupart des sociétés et des gouvernements, n’avaient pas prévu : la pandémie de COVID-19 ! Selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), le trafic mondial de passagers transportés par des compagnies aériennes s’est effondré de 66 % en 2020 par rapport à 2019, une évolution sans précédent sous l’effet de la pandémie.

Si vous vous dites qu’on est en train de rattraper ça, que cette pandémie achève, détrompez-vous : avec l’égocentrisme des pays riches qui ne fournissent pas de vaccins en quantité suffisante aux pays plus pauvres, et Big Pharma qui refuse de casser ses brevets, ce qui permettrait à plusieurs pays de produire leurs vaccins à moindre coût, nous ne sommes pas près de voir la fin des variants, les vagues risquent fort de se succéder (on parle déjà d’une septième !), et les problèmes connexes de se maintenir d’une façon ou d’une autre.

Et c’est sans compter les risques de nouvelles souches qui augmentent à mesure que le réchauffement climatique permet le déplacement géographique d’espèces porteuses de pathogènes non souhaitables pour l’humain. Les agents pathogènes zoonotiques peuvent être d’origine bactérienne, virale ou parasitaire, ou peuvent impliquer des agents non conventionnels et se propager à l’homme par contact direct ou par les aliments, l’eau ou l’environnement. Les Nations Unies déclarent :

« Les impacts du changement climatique sur la santé sont divers et graves, notamment l’augmentation des virus de l’animal à l’homme tels que le nouveau coronavirus, les maladies à transmission hydrique et vectorielle, la dénutrition et les effets mentaux et physiques des événements météorologiques et climatiques extrêmes, qui perturbent la prestation des services de santé. » (Santé et changement climatique : un lien indéniable)

Et savez-vous quel est le meilleur moyen de diffusion de ces pathogènes, de ces zoonoses ?… Eh oui : l’avion, qui n’a pas de limite. « Plus de 24 000 avions commerciaux (transportant des passagers) parcourent le monde. En 2018, ces avions ont réalisé plus de 38 millions de vols vers l’un des 3 500 aéroports commerciaux. À chaque battement de cœur, un avion décolle dans le monde, ce qui représente environ 72 vols par minute.»(Le Soleil, 22 mais 2021) C’est ce qui fait qu’en quelques heures, une personne infectée peut passer de l’Asie à l’Europe ou à l’Amérique, ou inversement, et, chemin faisant, infecter plusieurs passagers qui partagent les mêmes vols !… Nous exagérons? Alors comment SARS-COV-2 a-t-il pu passer si rapidement de l’Asie à l’Amérique, alors qu’un océan les sépare ?


Il est clair que la question du développement de l’aéroport, comme toutes questions de développement dorénavant, ne peut être dissociée de l’urgence climatique. Elles doivent répondre aux impératifs du réchauffement climatique, pour que la population ici et ailleurs ait les meilleures chances de survivre : hommes, femmes et enfants.

Parce qu’en matière climatique, nous le répétons, il n’y a pas de frontières : la Terre est un pays !

Pour répondre aux nécessités relevant de la catastrophe climatique dans laquelle nous sommes entrés, il faut arrêter de défaire à droite et en avant ce que nous faisons à gauche et en arrière. Ça prend un plan global qui intègre tous les domaines d’intervention de notre société et qui s’applique intégralement dans les meilleurs délais.

Le Plan de la DUC est un tel plan. Et c’est pourquoi ce Plan indique, entre autres, que nos gouvernements doivent:

  • Stopper les agrandissements d’infrastructures aéroportuaires et le développement de nouveaux aéroports ;
  • Imposer une tarification carbone spécifique au transport aérien et taxer lourdement les vols internationaux ;
  • Développer des services de transport collectif électrifié en mesure de desservir l’ensemble des municipalités ;
  • Faire apparaître dans les inventaires gouvernementaux les émissions des vols internationaux.

C’est pour toutes ces raisons que, par rapport à la question du développement de l’aéroport de Montréal St-Hubert, nous demandons un moratoire tant et aussi longtemps que tout projet de développement avec toutes ses composantes ne fera pas l’objet d’un test climat visant à répondre aux défis que fait poser le réchauffement climatique sur l’avenir de la population ici et ailleurs.


Références bibliographiques :

Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique – DUC https://www.groupmobilisation.com/_files/ugd/bf4f35_3d32dfa3f9d947999a0071e9d220203f.pdf

Des universitaires proposent le Plan de la DUC, Collection Des Universitaires é Numéro spécial • 2021 https://www.groupmobilisation.com/_files/ugd/bf4f35_fe006358801b4c0d9d618531e4c7f8c0.pdf

Global Carbon Project (2021). An annual update of the global carbon budget and trends. https://bit.ly/3j2y4sC   (consulté le 18 mai 2022)

Last call climatique – Introduction au Plan d’action de la DUC* – Pour une mobilisation vitale https://www.groupmobilisation.com/_files/ugd/bf4f35_3a968af26a6c42e6856a1efd10f42908.pdf

Le plan de la DUC – Les chantiers de la  Déclaration d’urgence climatique (C-DUC) Version 5.0 https://www.groupmobilisation.com/_files/ugd/bf4f35_5e342231f6824a1494ab9c096ab40437.pdf?index=true

ONU Info. L’actualité mondiale Un regard humain. Santé et changement climatique : un lien indéniable. https://news.un.org/fr/gallery/461222  (consulté le 18 mai 2022)

Québec. Institut de la statistique du Québec (2022) Empreinte carbone des ménages au Québec. ISBN 978-2-550-91713-7 (en ligne)