Réduire pour changer, changer pour réduire… pour survivre – Mémoire à la Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec
Mémoire présenté par GMob (GroupMobilisation) à la Commission des transports et de l’environnement, lors des Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec
QUI SOMMES-NOUS
RÉSUMÉ
Ce mémoire souligne que le Québec n’est pas un modèle sur le plan climatique, malgré le discours gouvernemental, car son empreinte carbone réelle reste beaucoup trop élevée.
Cette autosatisfaction contraste avec l’accélération mondiale du réchauffement, les phénomènes insuffisamment considérés par les modèles et l’approche de plusieurs points de bascule irréversibles ainsi que le dépassement de 7 des 9 limites planétaires établies par le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK).
Tenant compte de l’accumulation actuelle des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, de l’efficacité des puits de carbone et de l’inertie du système climatique, seules une réduction immédiate des énergies fossiles et une carboneutralité dès 2030 pourraient amoindrir les catastrophes annoncées.
L’urgence climatique ne relève pas de comparaisons d’ordre politique, mais de réalités physiques déjà coûteuses : pertes économiques, crises agricoles, pénuries d’eau, espèces envahissantes, vagues de chaleur et événements extrêmes qui frappent aussi le Québec et fragilisent ses infrastructures.
Ce mémoire analyse le fossé entre la science et les décisions politiques, et plaide pour une réponse fondée sur la justice fiscale, la réduction de la consommation et une régulation stricte visant l’équité dans la société québécoise..
Devant l’ampleur de la crise climatique mondiale, crise systémique alimentée par les énergies fossiles et le blocage institutionnel souvent amené par les lobbyistes des énergies fossiles, quatre axes d’action sont proposés : informer massivement, renforcer la résilience communautaire, appliquer un plan d’urgence global et contraignant visant la carboneutralité en 2030 et soumettre toute activité à un strict test climatique. Il faut viser le zéro émission, ici comme à l’international. Nous n’y arriverons pas seuls.
Le mémoire conclut que seule une transformation profonde et radicale peut éviter les crises et l’effondrement à venir et qu’aucune pause n’est désormais possible.
La cible définie par l’urgence de la réalité climatique
NON, NOUS NE SOMMES PAS LES MEILLEURS
Dans son Plan pour une économie verte en 2020, le gouvernement affirmait, dans une comparaison avec les provinces du Canada et les États américains, que le Québec était le meilleur, avec des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 9,5 tonnes par habitant (p. 21).
Depuis, le premier ministre persiste à propager cette contre-vérité, si bien que dans les derniers jours, on l’a même entendu dire: “Réduire les GES, on est les meilleurs. Donc, est-ce qu’on peut prendre une pause sur certaines de mesures…?”
À sa décharge, les rédacteurs du document avaient soigneusement choisi des juridictions taillées sur mesure pour nous avantager. Mais, grisé par son jovialisme, le premier ministre en a oublié que le Mexique fait partie de l’Amérique du Nord. Et si, en 2019, le Québec émettait 9,5 t éq.CO2/hab, le Mexique, lui, en émettait 4,7, soit près de deux fois moins.
Le 18 novembre dernier, l’Institut de la statistique du Québec a enfoncé le clou en publiant:
“En 2021, l’empreinte carbone de la société québécoise s’élève à 13,2 tonnes éq. CO2 par habitant; de ce nombre, 8,8 tonnes éq. CO2 sont générées par des activités servant à répondre aux besoins en dépenses courantes des ménages.”
Avec 13,2 t, le Québec chuterait du premier au 14e rang dans le tableau comparatif du Plan pour une économie verte, loin derrière l’État de New-York (3e) et loin derrière… l’Ontario (5e)!
Il est pour le moins inquiétant de constater que notre gouvernement semble davantage préoccupé par le fait que sa réduction des GES ne dépasse pas celle des autres, plutôt que par l’urgence de répondre aux exigences imposées par la catastrophe climatique en cours.
On ne peut affirmer, comme l’a fait le premier ministre en 2018, que « la survie de notre planète est en jeu […]. Je ne peux ignorer ce défi de l’urgence climatique et continuer de regarder mes deux fils dans les yeux », puis faire volte-face, et invoquer l’urgence « pragmatique », pour réduire les exigences en matière climatique, voire, comme nous le verrons, agir carrément à contre-courant!
Or, quels sont les faits ?
Dans le 16e Emissions Gap Report du Programme des Nations Unies en environnement, intitulé “Off target”, il est indiqué que les émissions annuelles mondiales de GES sont passées de 37,8 gigatonnes d’équivalents CO2 en 1990 à 53,7 en 2020 et à 57,7 en 2024, illustrant que nous émettons 53% plus de GES qu’il y a 35 ans.
Selon le 19e Global Carbon Budget de l’université Exeter, nos émissions cumulées de CO2 d’origine fossile ont atteint 1870 gigatonnes alors qu’elles étaient de 810 en 1990 et 310 en 1960, rendant inévitable le dépassement du seuil critique de 1,5 °C de réchauffement planétaire. En ce qui concerne les émissions fossiles de CO2 par année, elles atteindraient 38,1 gigatonnes en 2025, soit 69% de plus qu’en 1990. Selon le 21e bulletin annuel des GES de l’Organisation météorologique mondiale, le forçage radiatif[1]La différence entre l’énergie reçue par la Terre et celle qui est réémise dans l’espace. dû aux gaz à effet de serre dans l’atmosphère est passé de 2,30 watts par m2 en 1990 à 3,54 en 2024,[2]Ce 3,54 W/m2 représente, à l’échelle du globe, une puissance 1800 TW et une énergie annuelle de 16 millions de TWh, soit environ 80 000 fois la production d’énergie par Hydro-Québec en un an, et 1000 fois l’énergie produite sur la planète ou encore environ 1% de la radiation solaire incident moyen sur la planète. soit une augmentation de 54%.
Mais le climat n’est pas que le fait de gaz à effet de serre (GES); il s’agit d’interactions complexes entre l’atmosphère, les océans, les glaces, les sols et la biosphère. Le rôle des nuages et celui des aérosols, par exemple, sont des questions complexes requérant, encore aujourd’hui, une meilleure connaissance des mécanismes en jeu. En contrepartie, on peut affirmer que certaines données, obtenues par les satellites, parlent déjà…
Il en est de la baisse constante de l’albédo terrestre depuis 25 ans, lequel signifie que de moins en moins de rayonnement solaire se trouve réfléchi vers la haute atmosphère. Les mesures des rayonnements reçus et réémis, en chaque endroit de la planète, indiquent que les effets des aérosols, et leurs interactions complexes avec les nuages, ne sont pas les mêmes d’un endroit à l’autre, ou selon l’altitude où ils sont émis, et même selon le degré de pollution existant en ce lieu. Les données satellitaires montrent, entre autres, une accélération du forçage radiatif depuis 2015. Cela pourrait s’expliquer par la baisse des émissions d’aérosols au-dessus des mers, due aux nouvelles réglementations internationales s’appliquant aux navires, illustrant que la décarbonation ou la réduction de l’intensité énergétique génère parfois des effets pervers.
Il faut comprendre que les aérosols, liés principalement à la combustion du pétrole et du charbon, contribuent au refroidissement de la planète, masquant une partie importante des effets directs du CO2 et du méthane. Depuis 1980, dû à la décarbonation de certains secteurs industriels, les émissions d’aérosols dans l’atmosphère, notamment sous forme de sulfates, ont diminué. C’est une avancée pour la santé publique, mais beaucoup moins si l’on considère le seul enjeu du déséquilibre énergétique de la planète.
Concernant l’effet du forçage radiatif sur la hausse de température pour les décennies et siècles à venir: il est essentiel de comprendre que les modèles climatiques globaux sont perfectibles, et que certains paramètres critiques, comme la sensibilité climatique à l’équilibre (ECS selon l’acronyme anglais), s’ils devaient avoir été sous-estimés dans les modèles, auraient des conséquences importantes sur les prédictions climatiques; ces paramètres masqueraient eux aussi une part du réchauffement à venir[3]Pour une introduction à cette problématique, voir ces récentes publications: https://www.columbia.edu/~jeh1/mailings/2025/ForestTrees.06August2025.pdf ; https://www.carbonbrief.org/explainer-how-human-caused-aerosols-are-masking-global-warming.
C’est pourquoi plusieurs scientifiques et groupes, dont le nôtre, estiment que le scénario du pire est celui sur lequel nous devons tabler; en vertu de quoi, les cibles de carboneutralité devraient être établies aujourd’hui et atteintes dès 2030. Il n’y aura pas de possibilité de reprise si nous échouons.
L’augmentation du taux de forçage radiatif laisse entrevoir une atteinte rapide du seuil de 2 °C. Comme indiqué dans une communication récente d’un groupe de l’Université Columbia, l’augmentation rapide de température accroît le risque de franchir plusieurs points de non-retour. Ne pas tenir compte de cela se révèle être insensé, “L’approche mondiale actuelle pour lutter contre le changement climatique n’est pas seulement un vœu pieux inefficace, elle est irresponsable”, peut-on y lire.
Lois thermodynamiques.
Il existe des lois et équations régissant le système climatique, qu’il soit terrestre ou autre, dont une sous-catégorie de lois physiques permettant d’appréhender la question de la chaleur, du désordre ou de l’émergence de nouveaux phénomènes. Il s’agit des lois thermodynamiques. Autant les trois lois fondatrices de la discipline que celles développées au siècle dernier montrent que le caractère irréversible et inéluctable de nombreux phénomènes qui nous entourent s’expliquent par la connaissance fine de la thermodynamique. Or, l’importance de cette connaissance a été occultée par nos décideurs.
Irréversibilité et points de non-retour.
Les phénomènes hors équilibre peuvent être traités par les lois physiques, et, bien qu’elles ne soient pas établies hors de tout doute, nous disposons tout de même d’outils permettant de modéliser, par exemple, la fonte d’un glacier, ou l’affaiblissement, voire la disparition d’un courant océanique. Ces points de non-retour ont ceci d’important qu’ils sont, par essence, non linéaires et, par conséquent, non réductibles à une règle de trois. Un autre caractère singulier de ces points de basculement est qu’ils sont souvent associés à des effets de cascade ou effets domino. Par exemple, la transformation d’une savane en désert, ou d’une forêt en savane, affectera le cycle de l’eau et, éventuellement, le périmètre des écoumènes, lequel sera précédé, notamment, par une série de migrations, de phénomènes météo, d’adaptations de cultures. Autrement dit : une catastrophe (ou crise existentielle) pour les espèces de ces habitats (y compris la nôtre).
Comment éviter ces catastrophes planétaires? Depuis des décennies, la science nous dit qu’il nous faut, en toute logique, cesser d’extraire du gaz, du pétrole et du charbon. On peut alors se demander, et cela fera partie du reste de notre mémoire, qu’arrivera-t-il si on ne le fait pas tout de suite, pourquoi ne le fait-on pas et est-ce possible, de manière réaliste, de le faire ?
L’urgence climatique relève de la physique, pas d’une opération comptable
Mais, puisque la comptabilité semble importer beaucoup plus pour certain.e.s, voyons quelques chiffres.
Au niveau mondial,
“Les coûts économiques croissants du changement climatique sont de plus en plus visibles et ont des répercussions profondes sur la santé humaine et la stabilité sociale. En 2024, les phénomènes météorologiques extrêmes ont causé plus de 304 milliards de dollars de pertes [dont 55,7 % n’étaient pas assurés], tandis que la baisse de la productivité du travail a entraîné des pertes supérieures à 1 000 milliards de dollars (indicateurs 4.1.1-4.1.3). Le coût monétaire de la mortalité liée à la pollution atmosphérique a atteint 4 850 milliards de dollars en 2023.” (Lancet 2025)
Ces sommes constituent une part significative du PIB mondial et restent loin de refléter l’ensemble des coûts liés à notre inaction climatique.
Les phénomènes météo en 2025 en Europe
Selon une étude de l’Université de Mannheim et de la Banque centrale européenne
25 % des régions européennes ont été touchées
96 régions ont connu des vagues de chaleur
195 régions ont été affectées par la sécheresse
53 régions ont été frappées par des incendies

Ces chiffres incluent les routes détruites, les immeubles rasés, les récoltes perdues, mais aussi les effets à long terme, comme l’effondrement du tourisme, la perte de productivité, les chaînes d’approvisionnement brisées, bref, tout l’écosystème économique qui se dérègle. Pour les petits pays, comme Malte, Chypre, Bulgarie, leurs pertes représentent 1% de leur richesse nationale.
Même l’Europe du Nord, qui se croyait à l’abri, subit des inondations. L’Agence européenne pour l’environnement estime que, depuis 1980, l’Europe a encaissé des coûts de 1 284,3 G$ liés aux phénomènes météo, avec l’Allemagne, l’Italie, la France et l’Espagne en tête de liste.
(Tiré de l’émission « CONTEXTE », LCN, du 16 septembre 2025)
Une certitude s’impose : le climat remodèle déjà l’économie européenne, et la nôtre.
Selon l’Institut climatique du Canada, la baisse du PIB réel par rapport au scénario de stabilité climatique indique que la valeur des pertes annuelles (en dollars 2020) serait de 24,6 G$ en 2025, 101,2 G$ au milieu du siècle et 865 G$ à la fin du siècle. (Limiter les dégâts, p. 49, tableau 4).
D’emblée, le rapport indique en page 5 que “sans politique vigoureuse de réduction et d’adaptation aux effets du réchauffement planétaire, les changements climatiques freineront la croissance économique du Canada et mettront à mal l’économie.”
Dans la récente mise à jour économique du Québec, il est mentionné (page C.54): “Les changements climatiques et les événements météorologiques inattendus peuvent entraîner des répercussions économiques importantes et faire grimper les cours des produits de base. À titre d’exemple, les feux de forêt et la faible hydraulicité observée dans les bassins d’Hydro-Québec en 2023 ont freiné la croissance économique.”
ASSURANCES
En matière d’assurance, les sinistres climatiques ont coûté 8,5 G$ en 2024 au Canada, selon le Bureau d’assurance du Canada (BAC) — et il ne s’agit que des pertes assurées.

Ce montant représente une augmentation de 115 % des réclamations, près du triple du total des pertes assurées enregistrées en 2023 et 12 fois la moyenne annuelle de 701 millions $ au cours de la décennie 2001-2010. (Communiqué de presse 13 janvier 2025, BAC)
Ceux qui ne croient pas à la science, qui prétendent que les changements climatiques sont « la plus grande arnaque de l’Histoire », et qui ne jurent que par le développement de l’économie, devraient peut-être demander l’avis du BAC. D’ailleurs plusieurs compagnies d’assurance commencent à se retirer de certains marchés et territoires à risques, ou ne couvrent plus certains dégâts.
Dans son mémoire prébudgétaire déposé en février 2025, le BAC écrit :
« En 2024, le Québec a été frappé par un épisode de pluie diluvienne sans précédent avec le passage de la tempête post-tropicale Debby en août dernier. Causant plus de 85 000 réclamations d’assurance et des coûts dépassant 2,7 milliards de dollars, cet évènement a mis à rude épreuve les assureurs, mais aussi les municipalités et les citoyens, qui ont également subi des pertes importantes. Au chapitre des catastrophes naturelles au Québec, la moyenne des trois dernières années se situe maintenant à près de 1,4 milliard de dollars en dommages assurés, soit une hausse vertigineuse comparativement aux 10 années précédentes. »
Les assureurs semblent avoir une vision beaucoup plus « pragmatique » que nos gouvernements.
AGRICULTURE
Concernant l’agriculture et la Financière agricole: certaines régions du Québec ont enregistré en 2025 un déficit de précipitations d’entre 50% et 75% lors du mois de septembre. Pour les producteurs de grains, certaines régions de la province, notamment la Montérégie et l’Estrie, sont particulièrement touchées par les avis de réclamation. Quant aux producteurs maraîchers, ils subissent aussi les répercussions des avis de dommages liés à l’assurance récolte, surtout pour la culture des légumes d’automne. Les organisations qui représentent des producteurs agricoles demandent des changements à La Financière agricole pour les programmes d’assurance reliés aux changements climatiques.
EAU POTABLE
Le 30 août 2025, en raison des vagues de chaleur et du manque de précipitations, plusieurs municipalités québécoises lançaient l’alerte, leurs réservoirs d’eau potable ayant atteint des niveaux anormalement bas durant la période estivale.
« Cette année, par contre, avec les chaleurs, la pénurie d’eau, on était en situation d’urgence», a déclaré le maire de Sutton, Robert Benoît. »
Certains diront que Sutton est une municipalité de moins de 5 000 habitants. Qu’à cela ne tienne! Un mois plus tard, le 3 octobre, c’était au tour de la Ville de Québec de demander à ses citoyen.ne.s de réduire leur consommation d’eau potable. Cette fois, on parle d’une ville de 560 000 habitants, qui plus est la capitale du Québec. “En septembre, seulement 52 mm de pluie ont été enregistrés, soit bien en dessous de la moyenne mensuelle de 143 mm. […] La sécheresse prolongée exerce une pression importante sur les lacs, les rivières et le fleuve en compromettant leur débit normal et en limitant la capacité de recharge des réserves» pouvait-on lire dans le communiqué. Il était donc recommandé de limiter l’utilisation de l’eau aux besoins essentiels. «La majorité des cours d’eau affichent des niveaux exceptionnellement bas, atteignant ou approchant les seuils historiques pour cette période de l’année. La rivière Montmorency présente d’ailleurs son niveau automnal le plus faible observé depuis plus de 50 ans.».
SANTÉ
Pour ceux et celles qui ne pensent pas qu’au PIB, mais qui accordent de l’importance à la vie humaine, notons que la dernière parution du Lancet Countdown nous apprend :
“En moyenne, 84 % des jours de canicule auxquels les populations ont été confrontées chaque année entre 2020 et 2024 ne se seraient pas produits sans le changement climatique… et la mortalité liée à la chaleur a augmenté de 63 % depuis les années 1990, pour atteindre une moyenne annuelle de 546 000 décès entre 2012 et 2021.”
Mais les effets des changements climatiques sur la santé prennent diverses formes et, comme nous le savons par expérience ici au Canada et au Québec, la fumée des incendies n’est pas sans conséquences. Ainsi lit-on dans le même rapport:
“L’exposition à la fumée des incendies de forêt a entraîné environ 154 000 décès en 2024 “
Le groupe de scientifiques World Weather Attribution – lequel publie, bon an, mal an, une vingtaine d’études sur la cause des événements météo -, dans une revue publiée le 16 octobre 2025 et portant sur les 10 dernières années, ce groupe écrit: “ Le coût de l’inaction face aux vagues de chaleur extrêmes augmente plus vite que celui de l’adaptation. La santé, l’emploi et les infrastructures sont mis à rude épreuve, le financement de l’adaptation est insuffisant et les populations les plus vulnérables risquent d’être laissées pour compte.”
Un article de La Presse du 18 septembre rapporte une étude de deux chercheurs de l’Imperial College London et la London School of Hygiene & Tropical Medicine, centrée sur 854 villes européennes. Cette étude conclut que les changements climatiques sont à l’origine de 68 % des 24 400 morts qui seraient liées à la chaleur cet été dans ces villes qui ne représentent par ailleurs qu’un petit tiers de la population européenne. Les effets des canicules sur la santé sont bien connus : aggravation des troubles cardiovasculaires, déshydratation, troubles du sommeil… Et les plus âgés sont, de loin, les plus à risque d’en mourir. « Il suffit que les canicules soient plus chaudes de 2 à 4 °C pour que des milliers de personnes passent de vie à trépas », concluent ces deux chercheurs, qualifiant les pics de chaleur de « tueurs silencieux». L’article ajoute que « ces chiffres ne prennent pas en compte l’excès réellement observé de mortalité. C’est à partir de telles données que des chercheurs finissent par donner une estimation solide de la mortalité liée à la chaleur : elle avait ainsi causé quelque 47 000 morts en Europe en 2023, selon une étude publiée par Nature Medicine un an après la période concernée. »
Radio-Canada titrait le 22 juin 2025 « Les décès liés à la chaleur extrême s’accentuent au Québec ». On pouvait y lire :
«L’organisme public [l’INSPQ] estime que 623 décès liés à la chaleur estivale surviennent en moyenne chaque année au Québec depuis 2010. Proportionnellement aux différentes populations, la région de Montréal est celle où le plus grand nombre de morts ont été comptabilisés.
L’INSPQ insiste néanmoins pour dire que la chaleur n’est généralement pas la cause unique des décès, mais plutôt un facteur contributif. L’été 2018 s’est distingué comme le plus meurtrier du lot, avec un total estimé de 943 décès attribuables à la chaleur, tandis que celui des étés 2023 et 2024 s’élève à 621 et 841 décès respectivement.»
Dans une entrevue le 24 novembre, le ministre Drainville a affirmé que, selon le document de consultation, atteindre la cible de réduction de 37,5 % des GES coûterait 38 G$ au PIB du Québec pour la période 2025-2030 [1]. À partir de combien, le gouvernement considère-t-il qu’il y a urgence d’agir ? Combien de degrés? Combien d’argent ? Combien de morts ? À Montréal, en 2024, la température s’est réchauffée de 3,9 degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle. À la mi-juillet, des températures allant jusqu’à 31 degrés Celsius avec un humidex de 32 étaient enregistrées à Kuujjuaq, faisant de ce village nordique le point le plus chaud de la province”.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré le 20 novembre lors d’une conférence de presse à la COP 30 à Belém:
“Après des décennies de déni et de délais de la part de beaucoup, la science nous dit qu’un dépassement temporaire de 1,5 degré – au plus tard au début des années 2030 – est devenu inévitable. Nous savons ce que cela signifie : plus de chaleur et de famine, plus de catastrophes et de déplacements de population et un risque accru de franchir des points de basculement climatique, provoquant des dégâts irréversibles.”
Le gouvernement se préoccupe beaucoup de sa dette, mais qu’en est-il de la dette climatique? Rétablir l’équilibre énergétique planétaire ne se fera pas avec le Fonds des générations. Au contraire, des générations et des générations vont subir les conséquences de cette dette climatique.
Déclaration d’urgence climatique
Tous ces aléas, on pouvait pourtant les retrouver dès l’été 2018 dans la “Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique” rédigée par GMob.
On y indiquait des dangers concernant 5 niveaux de sécurité: économique, de la santé humaine, alimentaire, environnemental et enfin, sécurité nationale et internationale.
Parmi les principales conséquences, notamment sur la santé humaine, nous recensions à l’époque:
« Dégradation de la qualité de l’air liée à la hausse des températures; diminution des réserves d’eau potable; multiplication des maladies cardio-respiratoires; augmentation des cancers, de la mortalité et de la morbidité dus aux coups de chaleur extrême; … et augmentation des risques de pandémie.”
Parmi les conséquences économiques, nous avions soulevé, notamment:
« Chute des revenus agricoles; […] hausses majeures du prix des denrées alimentaires; chute du pouvoir d’achat; explosion des coûts de santé; effondrement des services publics; réduction des couvertures d’assurances et hausse de leur prix; augmentation des inégalités… »
Il est intéressant de constater que le gouvernement du Québec connaît très bien cette « Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique » puisqu’il y réfère dans le programme « Accélérer la transition climatique locale », à la page 6 du Guide, étape 4, concernant la définition des objectifs, où il est écrit “ si les élus de l’organisme se sont déjà engagés publiquement pour la lutte contre les changements climatiques, par exemple en adhérant à la Déclaration d’urgence climatique, les objectifs devraient être cohérents avec les engagements déjà existants. »
On peut se demander comment un gouvernement qui reconnaît l’urgence climatique peut, lui, se permettre une telle incohérence ? Le mot même “urgence” n’apparaît nulle part dans le document de la Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Bien sûr, on nous dira qu’il faut tenir compte des capacités de l’État, de l’économie, etc. Nous répondons : les capacités économiques de l’État sont liées à sa capacité de lever des impôts, et non seulement de les baisser. Contrairement au discours répété du gouvernement, selon lequel les Québécois.es en paient déjà trop, nous croyons, au contraire, que ce ne sont pas TOUS les Québécoise.es qui contribuent équitablement – et certainement pas les plus fortuné.e.s. On nous rétorquera qu’il n’y a pas assez de riches au Québec. Faut-il rappeler que ce n’est pas le nombre de riches qu’il faut taxer, mais leur richesse ? Ainsi, selon Forbes en novembre 2025, les 8 Québécois les plus riches valent 41,4 G$ (CAN). Est-il besoin d’ajouter : un communiqué de presse du 7 décembre 2022 d’OXFAM titrait « Les émissions de gaz à effet de serre d’un milliardaire sont un million de fois supérieures à celles d’un·e citoyen·ne ordinaire ».[2]
Plus récemment, le 10 janvier, un autre communiqué énonçait que « Les recherches d’Oxfam montrent que les 1 % les plus riches, soit 77 millions de personnes, y compris les milliardaires, les millionnaires et ceux qui gagnent plus de 140 000 dollars par an en termes de PPA [pouvoir d’achat], étaient responsables de 15,9 % des émissions mondiales de CO2 en 2019.»
Quant aux coûts associés à l’adoption d’une cible directement alignée sur les impératifs dictés par l’urgence climatique, ce que plusieurs décrieraient comme « trop ambitieuse », il faut se demander s’il est trop ambitieux pour l’humanité, dont nous faisons partie, de survivre le mieux possible dans les prochaines années. Et pour y arriver, on devra réduire notre consommation en général, et d’énergie en particulier.
Soyons conscients que la richesse ne nous sauvera pas, pas plus que les entreprises ne le feront.
TVA publiait le 24 novembre 2025:
“Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a déploré lundi les «faibles résultats» de la COP30 au Brésil, avertissant que l’«inaction fatale» des dirigeants pourrait un jour être considérée comme un «crime contre l’humanité». […]
Lors d’une intervention au Forum des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme à Genève, Volker Türk, a averti que les «maigres résultats de la COP30 à Belém» illustraient comment «les déséquilibres de pouvoir des entreprises… se manifestent dans l’urgence climatique».
«L’industrie des combustibles fossiles génère des profits colossaux tout en dévastant certaines des communautés et des pays les plus pauvres du monde», a-t-il déclaré. «Il est impératif que les responsables de cette injustice, et de tous les autres préjudices liés au dérèglement climatique, rendent des comptes». Türk a aussi mis en lumière un arrêt récent de la Cour internationale de Justice stipulant que «les gouvernements doivent prévenir toute atteinte grave à notre climat, notamment en réglementant les entreprises».”
C’est la science qui doit nous guider.
[1] Ce coût de 38 G$ représente le total des coûts sur 5 ans (d’ici 2030), soit 7,6 G$ par année. Tenant compte que Statistique Canada chiffre le PIB du Québec à 617 G$ en 2024, le coût d’atteinte représenterait alors une diminution de 1,2 % du PIB. Dans la mise à jour économique du 25 novembre 2025, le gouvernement chiffre le PIB en 2025 à 641 G$; le coût d’atteinte représenterait donc moins de 1,2% du PIB! Quatre fois moins que le 5 % du PIB qui sera consacré aux budgets de la Défense.
[2] Considérant que le gouvernement de la CAQ aime bien rappeler que les émissions de GES des Québécois.es, par habitant, sont parmi les plus basses en Amérique du Nord à 9,5 tonnes par année, le premier loustic pourrait penser à l’équation suivante : 9,5 t X 1 000 000 X 8 (milliardaires) = 76 Mt de GES, soit 96 % de notre inventaire officiel !…
QUE DICTE L’URGENCE CLIMATIQUE ?
Catherine Potvin, biologiste, disait au Téléjournal de Radio-Canada le 22 août 2023 à propos des feux de forêt :
“On peut même pas dire : c’est minuit moins un, là. C’est minuit plus quinze ! Là, il faut vraiment qu’il y ait un coup de barre très très important de donné. […] On comprend pas l’urgence, à quel point il faut aller vite maintenant. Donc, on a des plans pour 2050, 2035, 2030… Mais c’est, c’est maintenant ! Il faut maintenant investir, il faut maintenant, même si ça plaît pas aux gens, augmenter le prix du carbone. Il faut qu’on puisse avoir des moyens pour contrôler ce qu’on fait, pis changer de comportements, changer nos façons de nous transporter…“
Pierre-Alain Cotnoir, docteur en éthologie, écrit dans Le changement :
“Il n’y a aucun lien entre l’économie classique et la physique, la biochimie ou la biologie dont plus particulièrement l’écologie. […] Bref, l’économie est à l’écologie, ce que l’astrologie est à l’astronomie !” (pp.20-21)
Une certitude s’impose : l’urgence climatique nous commande de cesser de foncer tête baissée, comme des bisons, vers un précipice duquel nous nous rapprochons à une vitesse inquiétante.
Malgré cela, nos gouvernements n’ont qu’un mot à la bouche: l’adaptation.
Comme pour nous faire oublier que la première adaptation, c’est limiter la cause, rejoignant en cela un des premiers principes en médecine: « Primum non nocere », qui signifie « d’abord, ne pas nuire».
Une crise est un événement brusque et exceptionnel, d’une durée variable, mais qui a une fin et dont on peut se remettre quand elle est terminée. Une catastrophe est plutôt une coupure définitive du déroulement normal des choses, et dont les conséquences seront irréparables.
Il est important de rappeler qu’il est possible de s’adapter seulement si les conditions préexistantes demeurent viables (capacité de cultiver, eau potable, chaleur supportable pour les organismes, etc.). La catastrophe en cours a justement pour effet de détruire ces conditions d’adaptabilité. Autrement dit : nos capacités d’adaptation sont limitées et peuvent être compromises brusquement.
Les sciences du climat nous indiquent que nous sommes maintenant entrés dans une trajectoire climatique qui engendrera des crises toujours plus nombreuses, qui iront s’aggravant et s’additionneront pour nous rendre la vie de plus en plus impossible. On ne doit plus hésiter à parler de catastrophe climatique, on pourrait même invoquer la notion d’atrocité climatique ou d’atrocité de masse.
“Or, la violence climatique satisfait pleinement l’ensemble de ces critères. Son échelle est planétaire. Son caractère systématique est manifeste : elle est le fruit d’un mode de production fondé sur l’exploitation d’énergies fossiles, qui bénéficie de nombreuses subventions étatiques, et qui se maintient en raison du travail d’obstruction climatique mené par certaines entreprises. […]
Le terme d’« atrocité climatique » peut être employé pour rendre compte de la singularité des destructions climatiques. Ce concept renvoie à l’ensemble actions qui contribuent de façon significative à la déstabilisation du climat terrestre et mettent par suite en péril les fondements de la vie humaine sur Terre, tout en fragilisant également les conditions d’existence de la plupart des espèces. […]
Cette violence se distingue des atrocités passées à plusieurs égards. Elle représente d’abord la première atrocité d’échelle mondiale. (…) En raison de ces divers traits distinctifs, l’atrocité climatique peut être vue comme la première « atrocité totale » de l’histoire humaine. La responsabilité de cette atrocité incombe aux institutions plutôt qu’aux individus.”
Violence climatique : peut-on parler d’atrocité de masse ?
Gaspard Lemaire, Conférence Sciences Po, 22 septembre 2025
Face à cette catastrophe en cours, nous n’avons que deux voies : agir maintenant pour s’engager dans des transformations profondes, difficiles, mais vitales, ou rester immobiles et laisser la catastrophe nous remodeler à sa manière — brutale et sans appel.
Conséquemment, pour s’attaquer à la seule voie viable, 4 recommandations s’imposent:
Recommandation 1: INFORMATION ET ÉDUCATION
Un énorme travail doit être fait pour informer, éduquer, expliquer à toute la population l’état d’urgence climatique afin de la préparer et de la mobiliser pour les changements profonds et radicaux qui s’imposeront. Préparer les peuples à « une mobilisation de temps de guerre » comme le disait si bien l’agroéconomiste et analyste américain Lester R. Brown. Pour ce faire, nos gouvernements doivent adopter des politiques et lois imposant le “zéro émission de GES”.
- “Ils doivent promouvoir, soutenir et participer urgemment au renforcement et à la coordination de mesures mondiales déterminantes, au-delà des cibles internationales actuelles de réductions de GES.”
- De plus, “dans tout le système d’éducation, il faut intégrer dès que possible dans tous les parcours éducatifs un même enseignement sur l’urgence climatique et sur les enjeux auxquels notre société est désormais confrontée.”
(Plan de la DUC, Chantier 1, Actions gouvernementales 1 et 9)
Il apparaît indispensable que tous les enseignants, de même que l’ensemble des étudiants en milieu collégial et universitaire reçoivent un même enseignement sur l’état de la planète (climat, biodiversité, pollution, filières énergétiques) et sur les enjeux auxquels notre société est désormais confrontée [1]. Mais c’est aussi un rôle collectif : journalistes, médias, personnels enseignants et de recherche doivent aider à la transmission d’une information à jour et de qualité.
Et cela doit se poursuivre dans toute la société civile. Pour ce faire, tous les groupes et citoyen.ne.s se préoccupant du climat doivent dorénavant dépenser leurs énergies à instruire et impliquer la population sur ce qui est, ce qui vient, et ce que cela commande de faire.
Le mot d’ordre: RÉDUIRE POUR CHANGER, CHANGER POUR RÉDUIRE… POUR SURVIVRE! Réduire notre consommation en général, et d’énergie en particulier. Changer nos façons de vivre et de répondre à nos besoins, voire changer nos besoins! Pour survivre, nous devons respecter les capacités limitées de la planète, ce dont l’économie ne tient nullement compte.
Recommandation 2: RÉSISTANCE ET RÉSILIENCE:
Il faut en parallèle penser Résilience. Même si nous ne pouvons prévoir ni le moment, ni la gravité, ni l’ampleur de ce qui nous frappera, nous savons déjà ce qui s’est produit ici et ailleurs. Les signaux sont là, visibles dans les catastrophes qui se multiplient à travers le monde.. Conséquemment, on doit organiser nos communautés pour faire face aux aléas qui viennent. Il est essentiel de créer des réseaux solides pour renforcer notre résilience: assurer la stabilité à court terme et la viabilité à long terme, malgré les fluctuations qui s’annoncent. Il ne faut pas viser la performance, sauf pour les services d’urgence. La redondance contribue à la robustesse dans une perspective à long terme. Moins de biens, plus de liens, et revenir à des technologies plus autonomes et moins énergivores (Low Tech).
Recommandation 3: PLAN D’URGENCE
Nous l’avons écrit précédemment, plusieurs scientifiques et groupes, dont le nôtre, estiment qu’il faut se préparer au pire scénario : c’est celui sur lequel nous devons fonder nos plans, parce que nous n’aurons pas le loisir de recommencer; en vertu de quoi, les cibles de carboneutralité devraient être établies aujourd’hui et atteintes dès 2030. Et parce que tout est à faire, presque en même temps, il y a nécessité d’avoir un plan pour ne rien oublier, distinguer l’essentiel de l’accessoire et prioriser. Le Plan d’urgence climatique de la DUC est un tel plan, identifiant 11 domaines d’intervention, 11 chantiers à être activés simultanément et, au premier chef, par nos gouvernements supérieurs. Chaque chantier comprend une liste minimale d’actions à prendre par nos gouvernements, nos municipalités et par les citoyen.ne.s pour réduire les impacts des crises climatiques qui viennent. Nos gouvernements supérieurs doivent agir sans délai et mettre en œuvre toutes les mesures dictées par l’urgence climatique.
Par exemple: le secteur des transports étant le plus gros émetteur de GES, une action immédiate au niveau du transport collectif aura des effets importants, et aidera à changer nos habitudes pour réduire. L’exemple d’Iowa City, rapporté dans La Presse du 25 novembre, le montre bien.
“Iowa City a aboli la tarification de ses autobus en août 2023 pour réduire la pollution et désengorger les rues. Le projet pilote de deux ans a été si populaire que le conseil municipal a financé une prolongation d’un an en augmentant de 1 % les taxes sur les services publics et en doublant le tarif des parcomètres. La fréquentation des bus est en hausse de 18 % par rapport aux niveaux prépandémiques. Les chauffeurs indiquent que les rues sont moins encombrées. Selon la municipalité, les automobilistes ont parcouru 2,9 millions de kilomètres de moins en ville et les émissions ont diminué de 24 000 tonnes de CO2 par an…”
C’est une question de volonté politique: celle d’accorder la priorité à l’urgence climatique, et non pas à l’économie, au développement économique et aux entreprises.
Recommandation 4: L’URGENCE CLIMATIQUE COMME CRITÈRE
L’urgence climatique doit chapeauter tous les domaines de la société [2]. L’urgence climatique exige de réduire au maximum et dans les meilleurs délais les émissions de gaz à effet de serre (GES) que nous produisons par nos activités. Par conséquent, toute activité actuelle ou à venir doit passer un “TEST GES” (voir annexe 1), c’est-à-dire une évaluation ou une série d’évaluations de toutes ses émissions de GES, menant à une décision autorisant ou non la réalisation ou la poursuite de l’activité.
[1] En 2015, à la Commission sur le transport et l’environnement, le mémoire du RVHQ faisait cette recommandation: “Modifier le cursus scolaire du secondaire, du CÉGEP et de l’université afin que tout étudiant, qu’importe son profil, suive au moins un cours traitant exclusivement des causes et conséquences des changements climatiques.”
[2] En 2015, à la Commission sur le transport et l’environnement, le mémoire du RVHQ faisait à cet effet ces recommandations: “Adopter une loi-cadre sur la politique climatique du Québec. Cette loi serait contraignante et créerait une instance ayant des prérogatives particulières, comme peut l’être la Régie de l’énergie, mais à laquelle seraient assujettis l’ensemble des ministères et l’ensemble des secteurs économiques du Québec. Cette instance pourrait être rattachée au ministère du Conseil exécutif comme l’est présentement et sans raison valable, selon nous, le bureau de la stratégie maritime” et “Mettre en place un bureau GES-climat émettant des bilans rigoureux des GES et un mécanisme de reddition de compte faisant en sorte que des certificats d’autorisation de projets émetteurs de GES ne puissent être délivrés.”
NE NOUS LAISSONS PAS DISTRAIRE NI TRUMPER
Nous sommes bien conscients, comme tous les progressistes et démocrates du monde, que, depuis le 20 janvier 2025, le monde a changé. Et que ce changement vient compliquer, voire complexifier le défi qui se pose à toute l’humanité.
Mais la seule réponse possible est: RÉSISTER!
RÉSISTER, c’est contrer la diversion que cherchent à créer, par ses actions, ses déclarations et ses menaces, un président, son gouvernement et ses soutiens oligarchiques, pour nous détourner du problème fondamental de l’urgence climatique et des difficiles, mais nécessaires changements sociétaux, que cette urgence nous impose.
“Lorsque de véritables enjeux se présentent, il est fou comment une démocratie libérale peut se libérer des règles démocratiques quand vient le temps de faire prévaloir le point de vue de l’oligarchie. Alors, imaginez la créativité de tels régimes, lorsque nous subirons des enjeux autrement plus graves, comme la dérive climatique.” (Le changement, P.-A. Cotnoir, p. 32)
RÉSISTER, c’est contrer la désinformation : si chacun.e a droit à ses opinions, personne n’a droit à ses propres faits (« faits alternatifs ») ; une population mal informée ou désinformée est une population manipulée à coup sûr ! [Recommandation 1]
RÉSISTER, c’est contrer l’incivilité : ne pas nourrir la haine ; même si cela mettra notre patience à rude épreuve.
RÉSISTER, c’est contrer l’isolement et l’individualisme: promouvoir la solidarité, l’entraide, le collectif, les rapports sociaux par l’entremise de multiples activités, collaborations, fêtes, etc. ; moins de biens, mais plus de liens humains. [Recommandation 2.]
Et surtout RÉSISTER, c’est renforcer nos institutions publiques : L’État est le seul qui a les capacités et les moyens d’agir par le biais des institutions publiques qui remplissent leurs missions : santé, éducation et culture, économie et environnement, soutien aux personnes et aux familles, justice et droits, sécurité extérieure et intérieure, etc. C’est pourquoi la privatisation des services liés à ces missions doit être exclue. [Recommandation 2.]
Renforcer nos institutions publiques, c’est aussi les démocratiser et les décentraliser pour être capable de répondre aux besoins et réalités du terrain.
Nos institutions publiques, ce sont aussi nos institutions sociales : le mouvement communautaire, les syndicats, les groupes de la société civile. Il faut aussi les renforcer, au besoin en créer de nouvelles. Cela peut paraître impossible maintenant, mais la catastrophe climatique risque de parler fort, de “hurler” même, nous obligeant à créer de nouvelles institutions! Auquel cas, il faut créer ces dernières en respectant les mêmes principes: démocratiques, décentralisées, et conçues pour la robustesse. [Recommandation 2.]
CONCLUSION: TOUJOURS PLUS URGENT D’AGIR
“L’adaptation d’un système vivant au changement repose sur deux grands principes. L’assimilation en constitue le premier. Elle s’exprime au niveau de l’individu et implique une certaine élasticité de ce dernier vis-à-vis des forces qui agissent sur lui. Ainsi, pressé de s’adapter à des conditions climatiques défavorables, tel organisme mettra en branle des mécanismes de régulation thermique qui lui permettront d’affronter ces nouvelles conditions. Que ces conditions inclémentes persistent ou s’aggravent, l’individu rendu aux limites de son potentiel biologique n’y résistera plus et disparaîtra. (Le changement,
P.-A. Cotnoir, p.23)
À partir de maintenant, la seule chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que nous ne reverrons plus jamais le monde que nous avons connu par le passé. Exit la stabilité!
Nous devons prendre conscience que nous sommes la première génération dans l’histoire de l’humanité qui laisse aux générations qui viennent des conditions de vie et d’habitabilité moindres que celles qu’elle a reçues.
Aurélien Barrau, astrophysicien français, disait
« La responsabilité politique est aujourd’hui considérable. Parce que nos dirigeants savent ce que, peut-être, leurs prédécesseurs ne savaient pas. Aujourd’hui, ils ont le choix : soit ils seront les pires traîtres de l’histoire de l’humanité, soit ils seront les premiers héros qui ont effectivement tenté de s’emparer de ce problème et de le résoudre. »
Et il disait cela… il y a 6 ans, en 2019 !
“Ce ne sont pas les affres de la dérive climatique qui viendront enrayer la machine thermo-industrielle, mais bien le manque de carburant.” (Le Changement, P.A. Cotnoir, p.40)
Que ce soit par l’accumulation de GES ou l’inévitable manque de carburant, si les gouvernements n’imposent pas maintenant les mesures les plus urgentes de l’histoire de l’humanité, nous aurons manqué la fenêtre qui nous aurait permis d’avoir un certain contrôle sur notre destinée, fenêtre qui se referme présentement rapidement.
Le scénario du pire est celui sur lequel nous devons tabler et les cibles de carboneutralité doivent être établies aujourd’hui et atteintes dès 2030. Il n’y aura pas de possibilité de reprise si nous échouons. Nous n’aurons pas de deuxième chance.
Face à l’urgence climatique, il n’y a certainement pas de pause à prendre pour quelque raison que ce soit, ni ici, ni ailleurs, ni maintenant, ni plus tard.
Et sûrement pas avant très, très, très longtemps.
ANNEXE 1
QU’EST-CE QUE LE “TEST GES”
L’urgence climatique exige de réduire au maximum et dans les meilleurs délais les émissions de gaz à effet de serre (GES) que nous produisons par nos activités.
Par conséquent, toute activité actuelle ou à venir [1] doit contribuer globalement à réduire les émissions directes et indirectes de GES:
- émissions directes: qui ont lieu directement au niveau de l’activité, pendant l’activité;
- émissions indirectes: qui ne sont pas directement émises sur le lieu de l’activité, mais découlent de son action ou son existence; par ex. achats de marchandises et de matières premières nécessaires à l’activité;
- émissions indirectes autres: toutes les autres émissions liées à l’activité ; très large et pouvant représenter la très grande majorité des émissions qui y sont liées; par ex. les achats de services (administratifs, numériques, etc.), les déplacements domicile-travail, l’utilisation de produits ou services vendus, l’impact de leur utilisation (fuites carbone), etc.
Un “TEST GES”, c’est une évaluation ou une série d’évaluations de toutes ces émissions de GES, menant à une décision autorisant ou non la réalisation de l’activité.
De plus, un “TEST GES” prend en compte l’ensemble des facteurs qui affectent le bilan thermique de la planète [2]. Une activité dont le “TEST GES” est réussi est une activité qui contre le déséquilibre thermique actuel pour rétablir à terme l’équilibre thermique qui existait avant l’utilisation des combustibles fossiles.
Réussir un “TEST GES” doit être considéré comme préalable à toute autre évaluation d’une activité, et à sa réalisation.
* * * * * * * * *
L’évaluation des émissions reliées à l’activité doit s’étendre sur toute sa durée.
Le “TEST GES” doit évidemment tenir compte de toute destruction de puits de carbone existants qui cesseraient ainsi de capter des émissions de CO2, ce qui équivaudrait à des émissions de CO2, et donc de GES, dans l’atmosphère.
Des mesures de compensation carbone ne doivent être prises en compte qu’en dernier recours si l’activité n’a pu répondre aux exigences premières de réduction et que son existence est essentielle à la société.
Le “TEST GES” doit être révisé régulièrement en accord avec l’évolution de la science.
[1] On entend par “activité actuelle ou à venir” toute activité existante ou en développement dans tout secteur de la société (construction, habitation, industrie, production, transport, agriculture, consommation, services, culture, etc.), susceptible d’affecter le réchauffement planétaire.
[2] Par exemple, les émissions de GES et la fonte des glaces modifient ce bilan thermique.
- La différence entre l’énergie reçue par la Terre et celle qui est réémise dans l’espace. ⤴
- Ce 3,54 W/m2 représente, à l’échelle du globe, une puissance 1800 TW et une énergie annuelle de 16 millions de TWh, soit environ 80 000 fois la production d’énergie par Hydro-Québec en un an, et 1000 fois l’énergie produite sur la planète ou encore environ 1% de la radiation solaire incident moyen sur la planète. ⤴
- Pour une introduction à cette problématique, voir ces récentes publications: https://www.columbia.edu/~jeh1/mailings/2025/ForestTrees.06August2025.pdf ; https://www.carbonbrief.org/explainer-how-human-caused-aerosols-are-masking-global-warming ⤴